Chapitre VI : la Vierge Marie, l’humble servante du Seigneur
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Ce n'est pas un hasard d'avoir intégré dans le titre de ce chapitre consacré à la Vierge Marie le nom de Jésus. En effet, nous verrons que la Vierge Marie est inséparable de son divin Fils. Au fil des lignes, nous découvrirons les trois composantes fondamentales de la mariologie : la mission unique de Marie, c'est-à-dire celle d'être Mère de la Parole (le Verbe fait chair), du pain vivant descendu du ciel pour le salut des hommes ; les singuliers privilèges de Marie, l'Arche virginale plus précieuse que celle qui contenait la manne et les tables de la loi ; enfin, le culte ou la vénération exceptionnelle due à cette arche.
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LA FEMME COURONNEE D’ETOILES
- Comme une lumière splendide tu brilleras jusqu’aux confins de la terre ;
- des nations nombreuses viendront de loin vers toi ;
- les habitants de tous les confins de la terre viendront vers la demeure de ton saint nom, portant dans leurs mains des présents au roi du ciel.
- En toi des générations de générations manifesteront leur allégresse
- et le nom de la cité élue durera pour les générations à venir.
- Maudits soient ceux qui t’insulteront,
- maudits soient ceux qui te détruiront,
- qui démoliront tes murs,
- qui abattront tes tours,
- qui brûleront tes maisons !
- Mais bénis éternellement ceux qui te bâtiront.
- Lève-toi alors et réjouis-toi des enfants des justes,
- car ils seront tous rassemblés auprès de toi
- et ils béniront le Seigneur des siècles.
- Heureux ceux qui t’aiment !
- Heureux ceux qui se réjouissent de ta prospérité !
- Heureux tous ceux qui auront été en deuil pour toi
- à cause de toutes les afflictions qui t’auront frappée,
- car ils vont se réjouir en toi
- et ils verront tout ton bonheur pour toujours.
- Tb 13 11-14
Ce « cantique » de Tobie semblait s’adresser à la ville de Jérusalem. En vérité, il s’adresse à la nouvelle Jérusalem céleste qui commence en Marie, la Mère de Jésus. Marie, le nouveau tabernacle, la Sainte des saints, l’étoile qui reconduit les égarés au Très-Haut, la Corédemptrice qui, dans les siècles des siècles, se réjouit d’être la Mère des rachetés. C’est le vrai cantique de la Corédemptrice.
Celui qui veut écouter et suivre l’Evangile doit prendre au sérieux, autant que tout le reste, les nombreuses scènes où Marie apparaît. Et il doit vouloir réunir aussi réellement les pierres dispersées de la mosaïque, pour voir briller l’image totale de Marie, de sa personne et de sa fonction. Mais l’image qui apparaît dans une telle vision d’ensemble n’est pas isolée pour elle même, elle renvoie constamment dans toutes ses parties et à tout point de vue au Christ comme à l’Eglise. Il ressort que toute piété mariale, si elle veut être catholique, ne doit jamais s’isoler, mais doit toujours être insérée et orientée christologiquement (et par là trinitairement), comme ecclésiologiquement. Saint Jean a merveilleusement indiqué ce processus quand, dans son évangile, il ne nomme jamais Marie par son nom. Elle est appelée « la Mère de Jésus ». Elle a, pour ainsi dire, abandonné ce qui est personnel, pour n’être plus qu’à la disposition de Jésus. * Cardinal Joseph Ratzinger, Hans Urs Von Balthasar (pour ce § ainsi que pour le dernier paragraphe de ce chapitre intitulé « Témoignons à la Vierge Marie un amour fervent »), Marie Première Eglise, Médiaspaul & Editions Paulines, 1987, p. 62 et 13. Nota : s’agissant d’extraits, quelques aménagements du texte original ont été rendus nécessaires pour les insérer harmonieusement dans l’ensemble du chapitre. Cette remarque sera également applicable à d’autres références indiquées dans ce chapitre sans que nous le reprécisions.
Nous allons donc réunir les pierres dispersées de la mosaïque, en commençant toutefois par quelques passages de l’Ancien Testament et en finissant avec l’Assomption de la Vierge.
La femme du protévangile
Marie a été annoncée par Dieu, dans ce que l’on appelle le protévangile. Cette annonce s’est faite immédiatement après la chute de nos premiers parents. Le Créateur s’adresse au serpent infernal en ces termes : « ... Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien. Il t’écrasera la tête et tu l’atteindras au talon » (Gn 3 15). Nous pourrions considérer que l’hostilité dont il est question se trouve entre le serpent et la population féminine tout entière. Or, cette éventualité est à écarter en raison de la suite du texte où le genre même change : « Il t’écrasera la tête » et non pas « Elle t’écrasera la tête ». Le texte annonce déjà le futur Sauveur, Jésus. A cause de la naissance de ce sauveur qui arrivera par « une » femme, il y aura une hostilité entre le serpent et « cette » femme. Cette femme dont il est question, c’est Marie, Mère du Sauveur. Ainsi donc, avec le Messie, sa mère est impliquée. Nous lisons dans l’Epître de Saint Paul aux romains : « Comme en effet par la désobéissance d’un seul homme (Adam) la multitude a été constituée pécheresse, ainsi par l’obéissance d’un seul (Jésus Christ) la multitude sera-t-elle constituée juste » (Rm 5 19). Il n’est pas audacieux d’ajouter à ce texte : comme le mal est entré dans le monde par la femme (Eve), il est juste que ce soit par la Femme (Marie) que le bien y entre de nouveau. Et nous savons maintenant comment elle le fera : par l’obéissance absolue. La pureté absolue. L’humilité absolue. Car grande est celle qui fait la volonté de Dieu. C’est pour cela que Marie est grande.
La prophétie d’Isaïe sur la Vierge Mère de l’Emmanuel
- C’est donc le Seigneur lui-même qui va vous donner un signe.
- Voici : la jeune fille est enceinte et va enfanter un fils qu’elle appellera Emmanuel. (Is 7 14).
A la place de « la jeune fille », la traduction grecque porte : « la vierge », précisant ainsi le terme hébreu (‘almah) qui désigne soit une jeune fille soit une jeune femme récemment mariée, sans expliciter davantage. Mais le texte de la version grecque des Septante est un témoin précieux de l’interprétation juive ancienne, qui sera consacrée par l’Evangile de Mathieu : « Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils, auquel on donnera le nom d’Emmanuel, nom qui se traduit : « Dieu avec nous » (Mt 1 23).
La prophétie d’Isaïe sur la « racine de Jessé »
- Un rejeton sort de la souche de Jessé,
- un surgeon pousse de ses racines (Is 11 1).
Ce poème messianique précise certains traits essentiels du Messie à venir, notamment qu’il est de souche davidique (David étant le fils de Jessé). Cette tige qui sort de la souche de Jessé n’est autre que Marie. Profitons de ce passage pour nous arrêter quelques instants sur les deux généalogies du Christ que l’on trouve dans les évangiles, l’une étant issue de l’évangile de Matthieu * Mt 1 1-17 et Lc 3 23-38. Notons au passage que Matthieu insiste sur le nombre de quatorze générations composant chaque groupe : « Le total des générations est donc : d’Abraham à David, quatorze générations ; de David à la déportation de Babylone, quatorze générations, de la déportation de Babylone au Christ, quatorze générations. » Il semble bien que ce nombre soit volontairement retenu, car multiple du chiffre sept qui exprime la plénitude. « Volontairement » car pour arriver au nombre de quatorze, il a fallu supprimer quelques noms de personnages « moins importants » historiquement que ceux qui sont retenus dans la généalogie. Prenons un exemple : si Pierre engendre Rémy, lequel engendre Michel qui engendre lui même Joseph, le dernier de la liste pourra fort bien présenter dans son arbre généalogique la chose de la façon suivante : Pierre engendra Joseph, sautant ainsi deux générations. Dans la généalogie lucanienne, chaque groupe de noms est également un multiple de 7 : 21 noms dans le premier, deuxième et quatrième groupe ; 14 noms dans le troisième groupe. Pour le même motif « d’arrangement numérique », nous ne trouvons pas Joachim, Père de la Vierge Marie, dans le premier groupe de 21. et l’autre de celui de Luc (à toi qui lis ces lignes, nous t’invitons à t’y reporter dès maintenant afin de pouvoir apprécier le commentaire qui suit).
Comme nous pouvons le constater, les deux généalogies présentent quelques différences.
Deux éléments essentiels sont mis en reliefs dans le texte de Matthieu : tout d’abord, la descendance se fait par le côté masculin ; il est manifeste que cette généalogie est celle de Joseph et non celle de Marie (Jacob engendra Joseph). Le texte a soin de nous dire que Joseph, descendant de David, est le père légal de Jésus, et c’est cette paternité légale qui conférait les droits héréditaires, ici ceux de la lignée Davidique et Messianique ; ensuite, Joseph, père légal de Jésus, n’est pourtant pas son géniteur car, si cela avait été le cas, Matthieu aurait terminé par « Joseph engendra Jésus, de sa femme Marie » comme lors des citations des quatre femmes précédentes. Or, il n’en est rien. Au contraire, Matthieu précise : « Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle naquit Jésus ». Marie est bien la Mère de Jésus mais Joseph n’est « que » le père virginal de Jésus. Il n’est donc pas intervenu dans sa conception comme le précisera la suite du récit de Matthieu.
La comparaison de la généalogie de Matthieu avec celle de Luc pose quelques difficultés * L’humble réaction de Saint Augustin, pour lequel les différences entre les deux généalogies seraient restées un mystère, est à souligner : « Je ne comprends pas ! » aurait-il dit. Nous pouvons faire nôtre cette humble réaction de l’un des pères de l’Eglise lorsque nous rencontrons des difficultés à comprendre certains textes de l’Ecriture. Ne cherchons jamais à tirer des conclusions qui témoigneraient d’un orgueil de très mauvais alois, tel : « Saint Luc a écrit du remplissage concernant les récits de l’enfance du Christ... » mais demandons au Seigneur de nous aider à nous rendre lumineuse sa Parole afin de pouvoir mieux la vivre.. La première est descendante alors que la seconde est ascendante. En outre, la généalogie lucanienne remonte jusqu'à Adam et même jusqu'à Dieu et elle est beaucoup plus longue que la précédente : 77 noms selon l’estimation la plus courante. Mais la difficulté majeure est que de David à Joseph, presque tous les noms diffèrent de part et d’autre ! Alors que Matthieu rattache Jésus à Joseph, père légal de Jésus, et montre de cette manière que Jésus appartient à la dynastie Davidique, Luc aboutit au même résultat en rapportant l’arbre généalogique de... Marie. En conséquence, n’ayant pas de père humain, n’est-ce pas par Marie seulement que Jésus est « de la race de David » tout comme le précise la grande prophétie du chapitre 7 d’Isaïe, c’est seulement par sa mère que l’Emmanuel est le David messianique promis ? Dans ces conditions, il est tout à fait normal que diffèrent les deux listes généalogiques de Matthieu et de Luc quand on va de David à Jésus. On ne peut donc se contenter de rattacher Jésus à la dynastie Davidique par le rattachement légal (par Joseph) * Extraits de P. André Feuillet, P.S. Sulp., Le Sauveur Messianique Et Sa Mère Dans Les Récits De L’Enfance De Saint Matthieu Et De Saint Luc, Divinitas de Janvier 1990, p. 25 et s. Le Père Feuillet précise à la page 27 : « De solides arguments plaident de cette manière de voir. D’abord, il y a tout lieu de tenir pour une parenthèse « Jésus étant fils, comme on le pensait, de Joseph » au verset 23. Si en grec, le mot « Joseph est ici privé de l’article (tou), c’est pour marquer qu’il ne fait pas partie de la liste généalogique. Par contre celle-ci comprend tous les noms qui suivent ; coordonnés les uns aux autres, ils dépendent tous du mot « fils » (huios) du v. 23 et sont précédés de l’article (tou), le premier de ces noms est Héli (tou Heli). Il faut comprendre : « Jésus étant fils, comme on le pensait, de Joseph, mais étant en réalité fils d’Héli, fils de Matthat » etc. ndlr : si l’on retenait Joseph dans le premier groupe de noms, nous obtiendrions 22 noms dans la généalogie et non plus 21 , multiple de 7 (voir note ci-dessus)., même si Joseph est également descendant de David.
Un autre argument, tiré de la liturgie * Car elle vrai l’affirmation : Lex orandi, lex credendi (la loi de la prière est la loi de la croyance)., confirme l’origine Davidique de Marie. Ainsi chantons-nous le premier verset des deuxièmes vêpres du 8 septembre :
« Nativitas gloriosae, Virginis Mariae, ex semine Abrahae, ortae de tribu Juda, clara ex stirpe David » (C’est la Nativité de la glorieuse Vierge Marie, de la race d’Abraham, issue de la tribu de Juda et de l’illustre famille de David).
Ainsi la vierge est-elle bien la descendante de David, comme le prophétisait Isaïe 700 ans avant Jésus Christ.
La prophétie de Jérémie sur la femme qui entourera l’homme
- Reviens, Vierge d’Israël,
- reviens en ces villes qui sont tiennes.
- Jusques à quand tourneras-tu de-ci, de-là,
- fille rebelle ?
- Car Yahvé crée du nouveau sur la terre :
- la Femme recherche son Mari (Jr 31 21-22).
Au jardin d’Eden, l’humanité s’est détournée de son Créateur. Dans cette prophétie de Jérémie, le texte, où le verbe hébreu signifie « entourer », « tourner autour », « rechercher », exprime la reprise des relations d’amour entre Israël et son Epoux Yahvé. La vulgate en a accentué la portée messianique par la traduction : « la femme entourera l’homme » qui évoque la conception virginale du Christ. * Cette interprétation mariologique de la prophétie de Jérémie a été proposée par saint Jérôme, saint Bernard, saint Thomas, saint Bonaventure, Maldonat, Sanzio, Sa, Cornelius a Lapide, Van Est, Menochio, Tirinus ; et récemment , par Scholz, Meignan, Knabenbauer, Fillion, Reischl, Arndt, Herme, Closen S.J. (voir verbum Domini, 1936, p. 295-304).
L’Epouse du Cantique des Cantiques
Le Cantique des Cantiques, c'est-à-dire le Cantique par excellence, chante en une suite de poèmes l’amour mutuel d’un Bien-aimé et d’une Bien-aimée, qui se joignent et se perdent, se cherchent et se trouvent. Le Bien-aimé est appelé « roi » et « Salomon » ; la Bien-aimée la « Sulamite ». L’interprétation traditionnelle entend ce Cantique comme l’amour de Dieu pour Israël et celui du peuple pour son Dieu. Il s’ensuit que cette première relation de grâce et d’amour se développe entre le Christ et son Eglise (Eglise, épouse du Christ) et entre le Christ et chacune des âmes. Cette relation est idéalement exprimée et rendue parfaite de Marie avec le Christ, et de Marie avec Dieu. Nous ne rapporterons ici que quelques passages qui trouvent à s’appliquer à la Vierge * Mais nous renvoyons le lecteur désireux d’approfondir le Cantique des Cantiques vers l’ouvrage suivant : André Feuillet, Comment lire le Cantique des Cantiques, Etude de théologie biblique et réflexions sur une méthode d’exégèse, Editions Pierre TEQUI 1999. où l’on découvre cette relation amoureuse à laquelle nous sommes tous invités :
- Car voilà l’hiver passé * La description du printemps, symbole du salut, prélude à l’appel du retour.,
- c’en est fini des pluies, elles ont disparu.
- Sur la terre les fleurs se montrent.
- La saison vient des gais refrains,
- le roucoulement de la tourterelle se fait entendre,
- sur notre terre. * A rapprocher de Gn 8 8 et s. : Noé lâcha d’auprès de lui la colombe pour voir si les eaux avaient diminué à la surface du sol. La colombe, ne trouvant pas un endroit où poser ses pattes, revint vers lui dans l’arche... il étendit la main, la prit et la fit entrer auprès de lui dans l’arche. Il attendit encore sept autres jours et lâcha de nouveau la colombe hors de l’arche. La colombe revint vers lui sur le soir et voici qu’elle avait dans le bec un rameau tout frais d’olivier !
- Le figuier forme ses premiers fruits
- et les vignes en fleur exhalent leur parfum.
- Viens donc, ma bien-aimée,
- ma belle, viens ! (Ct 2 11-13)
- Elle est un jardin bien clos,
- ma sœur, ma fiancée ;
- un jardin bien clos,
- une source scellée. * Ct 4 12. Jardin bien clos, virginité parfaite et perpétuelle, car l’épouse restera vierge. N’est-elle pas qualifiée « ma sœur, ma fiancée ».
- Source qui féconde les jardins,
- puits d’eau vive,
- ruisseaux dévalant du Liban ! (Ct 4 15).
- ...Que mon Bien-aimé entre dans son jardin,
- qu’il en goûte les fruits délicieux ! * Ct 4 16 Ce jardin bien clos, l’épouse invite son Créateur à en goûter les fruits puisqu’il lui appartient : « Que mon Bien-aimé entre dans son jardin. »
- J’entre dans mon jardin,
- ma sœur, ma fiancée,
- je récolte ma myrrhe et mon baume,
- je mange mon miel et mon rayon,
- je bois mon vin et mon lait.
- Mangez, amis, buvez,
- enivrez-vous, mes biens-aimés ! * Ct 5 1. Dieu se complaît dans sa créature Vierge, Mère de Jésus. Il en récolte le fruit, l’offrande du Christ au Père sur la croix et dans l’Eucharistie. Et, enfin, il invite son peuple à communier pour son salut : « prenez et mangez en tous, ceci est mon corps... prenez et buvez en tous, ceci est mon sang... »
Anne et Joachim, parents de la Vierge Marie
Les quatre évangélistes canoniques ne nous disent rien sur ces deux grands saints que sont Sainte Anne et Saint Joachim. Nous avons connaissance de leur existence dans trois évangiles apocryphes * les évangiles apocryphes contiennent certains morceaux qui peuvent être fournis par la tradition primitive et complétent les données de l’Evangile.. Les représentations artistiques que nous trouvons dans les églises, peintures ou sculptures pour ne citer que celles-ci, représentent souvent Saint Anne et Saint Joachim comme étant âgés. Ils auraient donc eu la joie de concevoir Marie à un âge avancé, comme Abraham et Sara ont eu Isaac à un âge avancé ou comme Sainte Elisabeth, plus tard, concevra le Baptiste alors qu’elle sera déjà dans sa vieillesse. Grand-père de Jésus, Joachim avait épousé la sagesse de Dieu renfermée au cœur de la femme juste. Ils attendirent et espérèrent toute leur vie avoir un enfant, et voilà que dans leur vieillesse ils reçurent de Dieu une petite fille : Marie.
L’Eglise honore Anne et Joachim pour nous rappeler cette conduite si mystérieuse de Dieu sur l’humanité. Il a voulu sauver les hommes en se faisant l’un de nous, en prenant notre condition humaine, en entrant dans le temps et dans l’espace. C’est le moyen qu’il a choisi de préférence à tous les autres pour mieux nous faire comprendre l’intimité qu’Il désire avoir avec nous et à laquelle nous sommes appelés. Saint Anne et Saint Joachim sont les modèles de ces époux fidèles qui, vivant comme des justes devant Dieu, sont attentifs à réaliser au mieux sa volonté et attendent dans la foi et l’ardeur la plénitude de la manifestation du Seigneur. Ils coopèrent ainsi à l’action de la grâce dans le cœur de leurs enfants, leur apprenant à croire, à respecter et à aimer. * Missel EPHATA, librairie Arthème Fayard, 1988, t. 3, p. 1696.
L’Immaculée Conception
La petite fille qu’Anne et Joachim mettent au monde bénéficie d’une grâce exceptionnelle, d’une grâce unique après la faute de nos premiers parents : celle d’être Immaculée Conception. Le curé de Lourdes demandait à Bernadette SOUBIROUS après l’une des apparitions dont elle venait de bénéficier : « Sais-tu ce que cela veux dire Immaculée Conception ? » La pauvre jeune fille répondait « non ! ». Aussi allons-nous chercher à répondre à la question du curé de Lourdes.
Adam et Eve avaient reçu la sainteté et la justice originelles non pour eux seuls, mais pour toute la nature humaine. En cédant au tentateur, Adam et Eve commettent un péché personnel, mais ce péché affecte la nature humaine elle-même. Ainsi vont-ils la transmettre dans un état déchu, par propagation. Dès lors, la nature humaine est privée de la sainteté et de la justice originelles. C’est pourquoi le péché originel est appelé « péché » de façon analogique : c’est un péché « contracté » et non pas « commis », un état et non pas un acte * CEC 404. Le Baptême, en donnant la vie de la grâce du Christ, efface le péché originel et retourne l’homme vers Dieu, mais les conséquences pour la nature, affaiblie et inclinée au mal, persistent dans l’homme et l’appellent au combat spirituel. * CEC 405
Sans une volonté divine spéciale, Marie née d’un homme et d’une femme unis dans le mariage selon la loi de la nature, n’aurait pas été différente des autres créatures issues de la racine contaminée d’Adam. Elle aurait eu sa place dans la grande lignée des « justes » comme beaucoup d’autres de l’Ancien Testament, mais rien de plus. Marie a donc été, par grâce exceptionnelle, préservée de cet héritage d’Adam et Eve. Cette grâce porte un nom : Rédemption préservative. Car il existe une double Rédemption : celle qui libère de la faute dans laquelle on est tombé, grâce aux mérites résultant de la Rédemption accomplie, et celle - de beaucoup plus excellente - qui préserve de tomber dans la faute, en prévision de la future Rédemption. La première est appelée Rédemption libérative : elle est commune à tous les descendants d’Adam de manière ordinaire. La seconde, Rédemption préservative, est propre et exclusive à la Vierge Marie. Chose curieuse : de nombreux et insignes théologiens médiévaux (parmi lesquels saint Thomas d’Aquin et saint Bonaventure) entendaient par Rédemption, ou salut, seulement la Rédemption libérative de la faute. * Gabriel M. ROSCHINI O.S.M., La Vierge Marie dans l’œuvre de Maria Valtorta, éditions M.Kolbe et edizioni Pisani 1984, p. 270. Ils ne pouvaient donc imaginer Marie Immaculée Conception. Pourtant, un autre théologien médiéval, le bienheureux Jean DUNS SCOT (ofm, 1308, béatifié par Jean-Paul II en 1993), va donner son fondement théologique à une dévotion qui avait commencé à se répandre en Irlande, en Ecosse et en Angleterre au XI° siècle sous une influence de l’Eglise orientale, sans que Rome n’intervienne d’ailleurs pour interdire cette dévotion. Cette dévotion était celle de la Conception de Marie. Voici les textes essentiels de l’analyse du bienheureux SCOT sur l’immaculée dans la nudité et la rigueur de l’argumentation * Cette pensée centrale de Jean DUNS SCOT est extraite d’une conférence donnée à ORSAY le 27 novembre 1993 par le Fr. Francis DE BEER, ofm, La Dame selon le Cœur de Dieu, conférence consignée dans un opuscule imprimé par C.A.T., -Institut St André, p. 15 et 16. :
La Médiation parfaite du Christ
Le médiateur le plus parfait exerce l'acte le plus parfait possible de médiation envers la personne qu'il veut faire bénéficier de son acte. L'Homme Jésus-Christ, étant l'Unique Médiateur le plus parfait entre Dieu et les hommes (comme le dit saint Paul), a donc exercé l'acte de médiation le plus parfait envers cette personne dont il est le médiateur. Mais celui-ci n'eut aucun acte de médiation plus parfait qu'envers MARIE. Et l'acte le plus parfait fut, non pas de libérer du mal, mais de préserver du mal. Donc le Christ a mérité de préserver MARIE du péché originel. SCOT explique en effet que c'est un bienfait plus grand de préserver quelqu'un du mal que de permettre qu'il tombe dans le péché pour l'en libérer ensuite.
Mais, plus encore, cette Préservation augmente la gloire du Christ Médiateur et Sauveur : MARIE, dit SCOT, eut de fait un plus grand besoin du Christ rédempteur que nous. Car elle aurait contracté le péché originel en raison de la propagation commune, si elle n'avait été préservée par la grâce du Médiateur. Et si tous les autres ont besoin du Christ pour que leur soit remis leur péché déjà contracté, MARIE eut encore plus besoin du Médiateur pour l'empêcher de contracter le péché. D’une certaine façon, le Christ ne serait pas le Rédempteur le plus parfait s'il n'avait pas mérité que MARIE fût préservée du péché originel.
D'une certaine manière, MARIE est nécessaire, pour que le Christ exerce une fois une médiation parfaite. Sinon, le péché serait plus fort que le Christ, si MARIE n'était pas immaculée. * On se permettra d'insister sur l'audace de la pensée profonde de DUNS SCOT, professée à ce moment, sur la Vierge Immaculée. Sa révolution subtile est de ne pas partir d'une hypothèse de convenance, comme "la plus grande gloire de Dieu", mais de partir d'un fait révélé : le Christ médiateur parfait ; et de trouver que seule la conception immaculée de la Vierge, par une préservation radicale du péché et pas seulement une purification du péché, remplissait les conditions d'une médiation parfaite. Pour DUNS SCOT, il ne s'agit plus d'un argument de convenance, mais d'une démonstration dans la foi. "Le Christ ne serait pas le Médiateur parfait s'il n'avait pas pu donner à sa mère le privilège d'être préservée du péché originel. J'établis, au nom de l'excellence de son Fils en tant qu'il est Rédempteur et Réconciliateur et Médiateur, que la Vierge n'a pas contracté le péché originel." (Cf. Léon VEUTHEY, Jean Duns Scot, citant l'Oxoniense, 3, d3, ql, n4. - Voir aussi Ephrem LONGPRE, La Vierge Immaculée, p. 16).
La Préservation originelle de la Vierge
La première argumentation essentielle est fondée sur la Médiation du Christ. Mais SCOT doit répondre à une objection tirée de la condition de la Vierge. MARIE, lui dit-on, a été conçue de la même manière que tous les autres humains, en vertu d'une génération soumise à la loi de la concupiscence. Sa chair a donc été infectée ; et l'âme s'unissant à la chair a donc contracté la souillure originelle. Or, MARIE n'a pas été exempte des peines communes à notre nature : la faim, la soif, la fatigue, la souffrance, la mort. Ces peines sont les conséquences du péché originel qu'elle a contracté en naissant. Mais voici la réponse de SCOT : Ces peines n'ont pas un lien nécessaire avec le péché originel. Jésus lui-même les a acceptées. Jésus pouvait exercer son influence de médiateur en préservant MARIE du péché originel, mais en lui laissant les peines qu'elle assumait librement (comme Corédemptrice).
Conclusion de DUNS SCOT
« Si cela n’est pas opposé à l’autorité de l’Eglise ou à l’autorité de l’Ecriture Sainte, il semble probable qu’il faille attribuer à Marie ce qu’il y a de plus excellent, c'est-à-dire l’Immaculée Conception. »
En principe, dans la pensée de DUNS SCOT, il y a toujours et de plus en plus deux affirmations conjointes, en quoi il est bien fils de François d'Assise. D'une part il affirme toujours que l'Immaculée Conception a sa préférence : le Christ ne serait pas le Médiateur le plus parfait s'il n'avait pas mérité que Marie fût préservée du péché originel. Jamais il ne le reniera, et cela au péril de sa vie. Non moins grave d'autre part, mais combien riche de sens à cette époque était sa réserve : n'affirmer l'Immaculée Conception que dans la mesure où l'autorité de l'Eglise le reconnaît. Il n'y a pour SCOT que l'Eglise à pouvoir affirmer la Vierge Immaculée comme vérité de foi parce que l'Eglise et MARIE, pour lui comme pour François, sont un seul et même mystère, la Vierge-Eglise.
Cette reconnaissance de l’Eglise se fera par la proclamation du dogme * Le dogme chrétien est l’ensemble des doctrines que l’Eglise enseigne au nom de Dieu. Ces sources sont l’Ecriture sainte et la Tradition. Les dogmes sont immuables. « Définir un dogme », ce n’est pas le créer, mais déclarer officiellement qu’il doit être cru par tous les fidèles. Le « développement du dogme » est l’explication progressive de son contenu. de l'Immaculée Conception en 1854 par le Pape Pie IX :
« La bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel. * CEC 491 »
La Nativité de la Vierge Marie et sa Présentation au temple
L’Eglise fête traditionnellement les saints canonisés le jour de la date anniversaire de leur mort. Cette règle connaît deux exceptions : Saint Jean Baptiste, que l’on fête le 25 juin (6 mois avant la date de naissance de Jésus : « Et voici qu’Elisabeth, ta parente, vient, elle aussi, de concevoir un fils en sa vieillesse, et elle en est à son sixième mois » (Lc 1 36) et la Vierge Marie, sachant que pour celle-ci, le calendrier liturgique compte plus de douze fêtes : l’Immaculée Conception (8 décembre) ; Marie, Mère de Dieu (1 janvier) ; Notre Dame de Lourdes (11 février) ; Visitation (31 Mai) ; Sainte Marie, consolatrice des affligés (samedi après le 4e dimanche de Pâques) ; Cœur Immaculé de Marie (samedi de la 3e semaine après la Pentecôte) ; Notre Dame du mont Carmel (16 juillet) ; Assomption (15 août) ; Vierge Marie Reine (22 août) ; Vierge Marie Médiatrice (31 août) ; Nativité de la Sainte Vierge (8 septembre, date qui a servi à fixer celle de la fête de l’Immaculée Conception, neuf mois auparavant, le 8 décembre) ; Notre Dame du Rosaire (7 octobre) ; Présentation de la Vierge Marie (21 novembre), dates auxquelles il faudrait ajouter toutes celles dans laquelle Marie est concernée : Nativité du Seigneur, Sainte Famille, Epiphanie, ..., Pentecôte, fête du très Saint Sacrement.
La fête de la Nativité de la Vierge Marie est très ancienne, puisqu’elle se célébrait à Rome dès le VIIe siècle. Le chant de l’Introït, Salve, sancta parens, souligne le caractère inséparable de Marie et de Jésus dans le plan divin : Salut, ô Mère sainte ; Mère qui avez enfanté le Roi qui régit le ciel et la terre dans les siècles des siècles. De mon cœur a jailli un beau poème : je dédie mes oeuvres au Roi. La liturgie applique à Marie ce que nos Livres saints disent de la Sagesse éternelle, qui est le Verbe « par lequel tout a été fait ». Comme le Christ, la Vierge préside à toute l’œuvre de la création, puisque choisi de toute éternité pour nous donner le Sauveur. C’est elle avec son Fils que Dieu eut surtout en vue en créant le monde.
Le cycle liturgique célèbre la Présentation de la Vierge Marie au temple de Jérusalem. Cette fête repose sur une pieuse tradition qui tire son origine de deux évangiles apocryphes dans lesquels il est rapporté que la Sainte Vierge fut présentée au Temple de Jérusalem à l’âge de trois ans * Le premier document où il a été question de la présentation de Marie au temple à l’âge de trois ans est le Protévangile de Jacques composé par un chrétien vers la moitié du IIe siècle (voir G. Bonaccorsi. Vengili apocrifi, Florence, 1948, t. I, p. 71-75)., et qu’elle y vécut, jusqu'à ses fiançailles, avec d’autres jeunes filles et les saintes femmes qui les dirigeaient.
L’Annonciation
Six mois avant l’Annonciation, l’ange Gabriel annonce à Zacharie, prêtre alors en service au temple de Jérusalem, qu’il aura un fils qui préparerait au Seigneur un peuple bien disposé. Mais, pour Marie, le lieu de l’annonce est tout autre. C’est l’ange Gabriel qui vient lui rendre visite dans sa propre maison (Lc 1 26-38) : Le sixième mois [après la conception de Jean-Baptiste annoncée par l’ange Gabriel à Zacharie], l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une vierge, fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David ; et le nom de la vierge était Marie. Cette différence de lieu suggère qu’à compter de cet instant Dieu entend se rendre présent parmi les hommes, non pas seulement dans un sanctuaire, mais d’une manière toute nouvelle, au cœur même de leur existence * P. André FEUILLET, P.S. Sulp., Le sauveur Messianique et sa Mère dans les récits de l’enfance de Saint Matthieu et de Saint Luc, Divinitas, avril 1990, p. 108 et s. Nota : l’essentiel du commentaire de l’Annonciation est extrait de cette étude ainsi que, du même auteur, JESUS ET SA MERE d’après les récits Lucaniens de l’enfance et d’après Saint Jean - Le rôle de la Vierge Marie dans l’histoire du salut et la place de la femme dans l’Eglise, J. Gabalda et Cie. Editeurs, 1974, p. 20 et 21. Ce nota vaut également pour tous les paragraphes jusqu'à celui intitulé « Marie Corédemptrice » inclus.. Et l’ange Gabriel salue Marie en changeant son nom : Il entra chez elle et lui dit : « Salut, comblée de grâce,... » Notons au passage l’emploi, en français, du singulier utilisé pour le mot grâce. Il éclaire en effet sur la signification de la salutation. L’ange Gabriel ne parle pas de grâces, comme s’il s’agissait simplement des nombreuses vertus de Marie ou bien encore qu’il veuille lui dire qu’elle est gracieuse. Elle est comblée de grâce, c'est-à-dire de faveur divine * Rappelons que les mots « pleine de grâce » de Lc 1 28, sont un des principaux fondement scripturaire du dogme de l’Immaculée Conception. Il est clair qu’il ne faut pas comprendre : tu as été comblée de la grâce divine et, en conséquence, le Seigneur est avec toi, mais bien plutôt : tu as été comblée de la grâce divine parce que le Seigneur est avec toi. En Isaïe, aux ch. 7 et 8, c’est par l’action anticipée de l’Emmanuel (parce que « Dieu est avec nous ») agissant dans l’histoire avant qu’il ne soit né, que sont mis en échec tous les projets forgés contre la dynastie davidique : « Concevez un dessein, il échouera ; dites une parole, elle ne se réalisera pas, car Dieu est avec nous » (Is 8 10). C’est de même par l’action anticipée de l’Emmanuel, dont la Vierge Marie est destinée à devenir la Mère (« parce que le Seigneur est avec toi »), que Marie a été comblée de la grâce divine et préservée, dès sa conception, de la déchéance originelle.. Gabriel annonce en effet à Marie l’œuvre prodigieuse (le mystère de l’Incarnation) que par elle Dieu s’apprête à accomplir dans l’histoire du salut. Puis vient la fin de la salutation où le verbe est sous-entendu « ..., le Seigneur (est) avec toi. » Il s’agit d’une formule fréquente dans la bible (Gn 21 22, 26 3, 26 24, 31 3, Ex 3 12, Jg 6 12, ...) où la plupart du temps, surtout comme c’est le cas ici où le verbe est absent, elle exprime la présence certaine d’un exceptionnel secours divin en des circonstances particulièrement importantes pour l’histoire du salut. Nous comprenons mieux l’émotion de Marie dont la salutation de l’ange effraye la modestie : A ces mots elle fut bouleversée, et elle se demandait ce que signifiait cette salutation. L’ange la rassure en disant : Rassure-toi, Marie ; car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Et Gabriel déclare à Marie qu’elle est destinée à être la Mère du Sauveur messianique. Il le fait par des paroles qui s’inspirent de plusieurs passages messianiques de l’Ancien Testament : Voici que tu concevras et enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus * Jésus est l’appellation du Sauveur au cours de sa carrière terrestre. Emmanuel est son nom le plus élevé, celui qu’il portera éternellement, celui également dont il est fait allusion à la fin de l’évangile de Matthieu quand Jésus ressuscité, sur le point de quitter ses apôtres, leur promet d’« être avec eux » toujours (= Dieu avec nous) jusqu'à la fin du monde Mt 28 20.. Il sera grand, et on l’appellera Fils du Très Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père ; il régnera sur la maison de Jacob à jamais et son règne n’aura point de fin. Mais Marie demande à l’ange « Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme ? », interrogation qui peut sembler étrange puisque Marie était fiancée à Joseph, de la maison de David. Autrement dit, elle connaissait bien un homme mais ce qu’elle veut dire par je ne connais point d’homme signifie ce que le verbe connaître exprime toujours dans ces contextes là : avoir des relations conjugales * Comme Gn 4 1 : l’homme connut Eve, sa femme ; elle conçut et enfanta Caïn... 4 17 Caïn connut sa femme, qui conçut et enfanta Hénok... 4 25 Adam connut sa femme ; elle enfanta un fils et lui donna le nom de Seth.... Bien que fiancée, Marie est restée vierge et semble, à travers ce propos, avoir déjà pris antérieurement la résolution de le rester * Marie fut la Vierge : vierge d’esprit, vierge de corps, dans les trois phases de sa vie : avant, pendant et après l’enfantement. La virginité perpétuelle de Marie n’est pas une tradition qui a fleuri à cause d’un respect aimant pour la bienheureuse Mère du Seigneur. C’est une vérité, et dès les premiers temps elle fut connue. L’Evangéliste Matthieu nous donne, à ce propos, des précisions sans équivoque. Concernant la conception jusqu'à la naissance : « il (Joseph) prit chez lui son épouse ; et, sans qu’il l’eut connue, elle enfanta un fils, auquel il donna le nom de Jésus » (Mt 1 24-25). Et sur la période qui suivit l’enfantement, l’Ecriture sainte nous permet d’arriver à des certitudes sur la virginité perpétuelle de Marie (à laquelle s’ajoute la Tradition de l’Eglise). Matthieu nous rapporte : « Lève-toi, prends l’enfant et sa mère et fuis en Egypte » (Mt 2 13) et « Lève-toi, prends l’enfant et sa mère, et reviens au pays d’Israël ; car ils sont mort, ceux qui en voulaient à la vie de l’enfant. Joseph se leva, prit l’enfant et sa mère, et rentra au pays d’Israël » (Mt 2 20-21). Dans les trois cas, Matthieu précise l’enfant et sa mère, et non pas l’enfant et ta femme. S’il ne l’utilise pas, ce n’est pas que ce terme de femme soit proscrit à l’époque. On le trouve, au contraire, bien souvent dans les évangiles : « et le premier, ayant pris femme, mourut et laissa sa femme à son frère, ...(Mt 22 25) ; « qui répudie sa femme » (Mc 10 11) ; Luc appelle Elisabeth « femme de Zacharie » quatre fois de suite (Lc 1 5, 13, 18 24) et plus loin, « Jeanne, femme de Khouza » (Lc 8 3). Mais dans tous les cas, et comme dans l’ancien testament, le mot femme signifie que le mariage a été consommé. On ne compte pas les passages de l’ancien testament qui le précisent. Nous n’en rapportons que quelques-uns : « ... l’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seul chair (Gn 2 24) ; Sara est appelée femme d’Abraham (Gn 17 15) ; et « Prends ta femme et tes deux filles » est-il dit à Lot (Gn 19 15). Or, lorsqu’il s’agit de Marie et de Joseph, jamais Matthieu n’utilise le mot femme, mais sa mère, son épouse : « Marie, sa mère, était fiancée à Joseph » (Mt 1 18) ; « Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle naquit Jésus » (Mt 1 16) ; « Prends l’enfant et sa mère » (Mt 2 13 ; 20-21). L’ange, en disant à quelques années d’intervalle, « prends l’enfant et sa mère » nous montre que Marie est la vraie Mère de Jésus, mais ne fut pas la femme de Joseph. Elle est toujours restée la Vierge, épouse de Joseph. (D’après Centro Editoriale Valtortiano, Isola del Liri, Italie, L’Evangile tel qu’il m’a été révélé, Maria Valtorta, tome 1, chap. 59, p. 225). D’où sa question « Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme ? », autrement dit « puisque je garde la virginité. » Et la réponse de l’ange à sa légitime question lui précise non seulement le « comment cela se fera » mais lui apprend également que va se réaliser le mystère de l’Incarnation : L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’enfant sera saint et sera appelé Fils de Dieu. Nous ne pouvons que rapprocher cette annonce de ce passage de l’Exode : « La nuée couvrit de son ombre le Tabernacle, et la gloire de Yahvé remplit la Demeure » (Ex 40 34-35).
A la nuée, symbole de la transcendance divine, qui couvre le Tabernacle, correspond l’Esprit Saint qui vient sur Marie, ou bien encore la vertu du Très Haut qui la couvre. A la gloire de Yahvé qui remplit la demeure correspond la conception surnaturelle en Marie d’un être qui mérite d’être appelé Saint et Fils de Dieu car l’ange annonce bien à Marie une maternité proprement divine.
Nous voyons que la Vierge Marie a déjà été, lors de l'Annonciation, la première bénéficiaire d'une révélation du mystère trinitaire * Ce récit lucanien de l'Annonciation montre la merveille de l'Incarnation réalisée grâce à l'intervention des trois Personnes de la Trinité : 1) grâce à l'initiative du Père : « l'ange Gabriel fut envoyé par Dieu » (v. 26) ; 2) grâce au propre Fils de Dieu qui doit devenir le fils de Marie, ce qui ne l'empêchera pas de demeurer et donc de devoir toujours être appelé « le Fils du Très Haut » (v. 32) ; 3) grâce à l'action de l'Esprit Saint qui doit « venir sur Marie » (v. 35), comme il doit venir sur les apôtres à la Pentecôte, l'Esprit étant toujours, dans l'Écriture, la source suprême de la vie., donc antérieurement à la révélation de ce mystère ineffable faite à Jean-Baptiste lors du Baptême de Jésus, et à la grande manifestation de ce même mystère faite à l'Église naissante tout entière lors de la Pentecôte.
Voici encore une autre observation liée à la manière même dont s'est opérée la conception de Jésus : grâce à une intervention toute-puissante de l'Esprit Saint, Marie n'est pas la Mère d'un homme devenu Dieu ; elle est la Mère d'un être humain dont la personne a toujours été divine de par les lois mêmes qui ont présidé à sa conception : elle est la Mère de Dieu. Nous rencontrons ici ce qui constitue la plus grande originalité de la religion chrétienne. Elle n'est pas d'abord un ensemble d'énoncés doctrinaux ou de règles morales, mais une Personne divine.
Et voici qu’Elisabeth, ta parente, vient, elle aussi, de concevoir un fils en sa vieillesse, et elle en est à son sixième mois, elle qu’on appelait la stérile ; car rien n’est impossible à Dieu. L’annonce faite à Marie lui apprend donc que sa parente est enceinte de 6 mois, elle qui n’avait jamais eu d’enfant et qui avait même dépassé l’âge d’en avoir. La fin de cette annonce montre que, là aussi et bien que différemment, Dieu est intervenu miraculeusement pour Marie comme Yahvé était intervenu pour Sara et Abraham car y a-t-il rien de trop merveilleux pour Yahvé ? (Gn 18 14)
La scène de l'Annonciation se termine par le fiat de Marie : « Voici la servante du Seigneur ; qu'il m'advienne selon ta parole ». Plus tard, Jésus se fera entièrement disponible ; il se déclarera venu pour servir (Mc 10 45 ; Mt 20 28 ; Lc 22 27; Ph 2 6-11). En prenant le titre de « servante du Seigneur », Marie entre elle aussi dans le plan divin de salut avec des sentiments de disponibilité totale. Son fiat annonce le « que ta volonté soit faite » du Pater (Mt 6 10), ou même le « que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne » de Gethsémani (Lc 22 42). Enfin, sa soumission parfaite est l'antithèse de la désobéissance d’Eve. Eve s'était fiée au serpent, Marie se fie à Gabriel ; le mal qu'avait fait Eve en croyant à l’ange des ténèbres, Marie en croyant à l’ange du Seigneur le supprime. Dans l’Annonciation, en effet, il n'y a pas lieu de renoncer à toute référence à Eve, et voici pourquoi. Dans la réalisation du mystère de l'Incarnation, la scène de l'Annonciation fait intervenir l’Esprit divin qui planait sur les eaux comme une force vivificatrice (Gn 1 2). Elle fait aussi intervenir la Parole toute puissante de Dieu à laquelle rien n'est impossible. En Dieu, parole et action coïncident, et cette efficience souveraine de la Parole divine a d'abord éclaté dans la création : « Il a parlé et tout a été fait » (Ps 33 9). La Vierge Marie s'en souvient quand elle s'abandonne à Dieu pour qui dire et faire sont une seule chose : « Qu'il me soit fait selon ta Parole ». Cela signifie qu'elle s'abandonne à l'intervention de l'Esprit annoncée par Gabriel. Il semble qu'ainsi nous sommes renvoyés discrètement à la première création, œuvre à la fois de la Parole et de l'Esprit divin (Gn 1), ce qui fait apparaître l'Incarnation comme le point de départ d'une humanité nouvelle et Marie comme une nouvelle mère de vivants.
La Visitation
En ces jours-là [ces jours qui suivent l’Annonciation de l’ange Gabriel], Marie partit et se rendit en hâte vers le haut pays, dans une ville de Juda. Elle entra chez Zacharie et salua Elisabeth. La tradition localise cette scène à Aïn Karim où habitaient, croit-on, les parents du précurseur (à environ 6 km de Jérusalem). Or, dès qu’Elisabeth eut entendu la salutation de Marie, l’enfant tressaillit dans son sein et Elisabeth fut remplie du Saint Esprit. Alors elle poussa un grand cri et dit : « Tu es bénie entre les femmes, et béni le fruit de ton sein ! et comment m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? Car, vois-tu, dès l’instant où ta salutation a frappé mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en mon sein. » Il est frappant que, tout comme l'Annonciation, la Visitation veut nous faire contempler en Marie la nouvelle Arche d’Alliance contenant en son sein le Verbe, Parole de Dieu. Rappelons-nous qu’à l’Exode, Yahvé demande à Moïse de faire construire une Arche dans laquelle seront mises les deux tables sur lesquelles est écrit le décalogue, la Parole de Dieu. L’Arche de l’Ancienne économie recevait de la part du peuple de Dieu une vénération exceptionnelle, tout comme Marie reçoit, sur le moment de la part de sa cousine puis de l’humanité ensuite, une vénération exceptionnelle. Nous retrouvons ainsi dans le récit de la Visitation plusieurs « parentés » avec le deuxième livre de Samuel : « Comment se peut-il que l'arche du Seigneur vienne chez moi » s’exclame David (2 S 6 9) tout comme Elisabeth s’exclame « comment m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? » La suite est remplie de réminiscences des livres de Samuel, et en particulier les allusions au transport de l'arche à Jérusalem (2 S 6). Il y a dans les deux cas un voyage dans les montagnes de Judée (cf. 2 S 6 2 et Lc 1 39) et des manifestations d'allégresse (cf. 2 S 6 12 et Lc 1 44) ; aux bonds joyeux de David répond le tressaillement de Jean-Baptiste ; « l'arche de Yahvé resta trois mois dans la maison d'Obédédom » (2 S 6 11) et « Marie demeure avec Elisabeth environ trois mois » (Lc 1 56). Ainsi Marie est-elle identifiée à l'Arche d'alliance où le Seigneur vient habiter.
L'allégresse du précurseur dans le sein d’Elisabeth est une joie d'ordre messianique. En effet, Luc marque partout dans ses récits de l'enfance que la joie de l'ère messianique fait irruption avec Jésus (Lc 1 14, 28, 47 ; 2 10). Le tressaillement du Baptiste dans le sein de sa mère se rattache lui-même à ce thème. Ce qui est remarquable ici, c'est que l'Esprit et la joie sont donnés à Elisabeth par Jésus vivant dans le sein de Marie ; d'une certaine façon, ils sont octroyés par l'entremise de Marie : « Or, dès qu'Elisabeth eut entendu la salutation de Marie, l'enfant tressaillit ». Ainsi c'est par Marie que passe le don fait aux hommes du Messie et des grâces attachées à sa venue. Dès lors n'est-il pas normal qu'elle soit proclamée par Elisabeth « bénie entre les femmes », c'est-à-dire plus bénie que toutes les autres femmes, comme cela avait déjà été dit de Judith (Jdt 13 8) ? L'honneur qui échoit à Elisabeth, c'est sans doute, avant tout, la visite de son Seigneur présent en Marie, mais c'est aussi la visite de Marie : « et comment m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? ».
Elisabeth termine l’épisode de la Visitation par un éloge de la foi de Marie : « Oui, bienheureuse celle qui a cru en l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur ! » (Lc 1 39-45). En fait, la Vierge Marie est le modèle des croyants. Saint Jean, notamment à la fin de son évangile, nous présente la foi comme l'attitude fondamentale du disciple de Jésus : « Parce que tu me vois, tu crois. Heureux ceux qui croiront sans avoir vu » (Jn 20 28). Nous n’en avons pas suffisamment conscience, mais c'est en définitive la foi de Marie qui est indirectement exaltée par son fils au cours de sa vie publique, alors que du milieu de la foule une femme d’Israël s’adresse à lui : « Heureuses les entrailles qui t'ont porté et le sein qui t'a allaité ! » Mais Jésus répond : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent » (Lc 11 27-28). Qui, mieux que Marie, a écouté la parole de Dieu et l’a gardée ? Sans sa foi, en effet, sa maternité physique ne lui eût servi de rien. Or, et l’évangile de Luc le présente fort bien, Marie est le type même des âmes qui écoutent la parole de Dieu et qui la garde.
La réponse que fait Marie à sa cousine Elisabeth est ce magnifique chant d’action de grâce...
Le Magnificat
- Mon âme exalte le Seigneur,
- exulte mon esprit en Dieu mon sauveur !
- Il s’est penché sur son humble servante ;
- désormais tous les âges me diront bienheureuse.
- Le Puissant fit pour moi des merveilles ;
- Saint est son nom !
- Sa miséricorde s’étend d’âge en âge
- sur ceux qui Le craignent ;
- déployant la force de son bras,
- Il disperse les superbes.
- Il renverse les puissants de leurs trônes,
- Il élève les humbles.
- Il comble de biens les affamés,
- renvoie les riches les mains vides.
- Il relève Israël son serviteur,
- Il se souvient de sa miséricorde,
- de la promesse faite à nos pères
- en faveur d’Abraham et de sa race à jamais.
Ce qui transpire de ce cantique du Magnificat prononcé par Marie, c’est peut-être tout d’abord sa paisible humilité. Marie ne crie pas sur tous les toits ce qui lui arrive mais c’est son âme qui exalte le Seigneur, et son esprit qui tressaille de joie en Dieu son Sauveur. Le lien du Magnificat avec le cantique de la mère de Samuel a été souligné par tout le monde. Mais tandis que celui d’Anne a, dès le début, l’accent d’une triomphante revanche personnelle sur des ennemis : « Mon front se relève en mon Dieu, ma bouche s’élargit contre mes ennemis » (1 S 2 1), celui de Marie est emprunt de cette paisible humilité qui la caractérise : « Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. »
Une certaine identification de Marie avec la Fille de Sion ressort également du Magnificat. Les paroles « Mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur » font écho à un chant de la collectivité d'Israël assaillie par l’oppresseur Chaldéen : « Je tressaille en Dieu, mon Sauveur » (Ha 3 18). L'action de grâce personnelle de Marie est en même temps celle de tous les pauvres (la portion choisie du peuple d'Israël), de tous les petits et, bien sûr, de tous ceux qui se reconnaissent pécheurs : « il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles... » Le Magnificat nous fait contempler en Marie, Mère du Christ, la réalisation parfaite de la « pauvreté » évangélique comprise avec la signification profonde qu'elle avait peu à peu acquise dans l'Ancien Testament et telle qu’elle sera exprimée définitivement dans le Sermon sur la montagne : « Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des Cieux est à eux » (Mt 5 3).
En finale du Magnificat, l’évocation d'Abraham, en qui, aux origines, la nation élue s'est trouvée concentrée, suggère que maintenant c'est en Marie que le peuple de Dieu est récapitulé. Cette évocation d'Abraham rejoint celles qui avaient déjà été faites dans le récit de l'Annonciation : « trouver grâce devant Dieu » (Gn 18, 3 et Lc 1 30) et « rien n'est impossible à Dieu » (Gn 18 14 et Lc 1 37). On devine qu'à l'acte de foi d'Abraham, point de départ du peuple de Dieu de l'ancienne alliance, répond maintenant l'acte de foi de Marie, point de départ du peuple de la nouvelle alliance. C’est par la nouvelle alliance que vont désormais s'accomplir les promesses faites dans l'ancienne alliance à Israël, à Abraham et à sa descendance. En ce sens, le Magnificat célèbre la miséricorde divine qui s’accomplit.
La naissance de Jésus et l’hommage des bergers
La structure même du récit de saint Luc dans les deux premiers chapitres de son évangile nous fait comparer les deux naissances du Baptiste et de Jésus : la seconde l'emporte sur la première autant que le Christ Seigneur dépasse son précurseur. Or, par un paradoxe extraordinaire, tandis que la première naissance se déroule en un climat d'allégresse, la seconde naissance, celle de Jésus, s'accomplit dans le dénuement le plus total, celui de l'enfant, et tout d'abord celui de sa Mère, la Vierge Marie. L'extrême détresse qui entoure la naissance de Jésus, à la différence de la naissance du précurseur, laisse pressentir qu'il sera un Messie pauvre et souffrant. Cependant ici ce n'est pas encore Jésus qui souffre directement ; il souffre par sa Mère obligée de faire un long et pénible voyage et de chercher refuge dans une étable. Ce dénuement est d'autant plus saisissant qu'il est exprimé simplement, sans phrases éloquentes, comme s'il était naturel que celui qui devra mourir sur une croix en d'indicibles souffrances auxquelles sa Mère sera associée apparaisse ainsi sur la scène de ce monde : « Marie mit au monde son fils premier-né * En grec biblique, le terme n’implique pas nécessairement des frères puînés, mais souligne la dignité et les droits de l’enfant., l'enveloppa de langes et le coucha dans une crèche, parce qu'il n'y avait pas de place pour eux à l'hôtellerie ».
Les récits lucaniens de l'enfance sont certes christologiques, mais la Vierge Marie y est indissociable du Christ. Le signe étonnant donné aux bergers par les anges ne vise que le Christ : « Voici ce qui vous servira de signe : vous trouverez un petit enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche ». Les bergers se mettent à la recherche de l’enfant et ils le trouvent avec Marie et, pour ainsi dire, par Marie : « Ils vinrent donc en hâte et trouvèrent Marie, Joseph * Joseph est nommé après la Vierge parce que celui-ci n’est que le père nourricier de Jésus. et le nouveau-né couché dans la crèche ». Ainsi, nous pourrions dire que les hommes d’aujourd’hui qui cherchent le Christ peuvent le trouver avec Marie, par Marie. En agissant de la sorte, ce n’est pas faire un détour pour emprunter Le Chemin, La Vérité et La Vie, mais c’est prendre un raccourci pour celui qui est notre Dieu et notre tout.
Enfin, l’attitude de Marie, telle qu’elle est décrite dans cette scène de la nativité, et telle qu’elle sera reprise dans la scène du recouvrement au temple, préfigure à merveille l’orientation nettement contemplative de la vie chrétienne : « Marie conservait avec soin tous ces événements et les méditait dans son coeur » (Lc 2 19, 2 51). C’est peut-être dans la scène de la présentation de Jésus au temple qu’il nous ait le mieux montré l’aboutissement de cette contemplation de Marie.
La présentation de Jésus au temple
Obéissant aux prescriptions liturgiques de leur temps, Joseph et Marie présentent l’enfant Jésus pour le rite de la purification. Or, alors qu’ils arrivent au temple, un homme juste et religieux prend l’enfant dans ses bras et bénit Dieu. Il dit ensuite à Marie, sa Mère : « Vois, ton fils qui est là, provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de division. Et toi-même, ton cœur sera transpercé par une épée. Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d’un grand nombre ». On parle souvent ici du glaive de la douleur. Mais le glaive signifie beaucoup plus qu’une grande souffrance ; il symbolise une mort violente et fait songer dès lors au drame atroce de la Passion. Or Siméon voit d’avance ce glaive, non pas atteignant directement le Messie, mais traversant l’âme de sa Mère : « Et toi-même, une épée te transpercera l’âme ». L’union de Marie à Jésus sera telle qu’elle sera traversée par un glaive mortel lorsque se déroulera le drame de la Passion. Ainsi donc, la contemplation de Jésus transpercé pour nos péchés provoquera chez sa mère une sorte de transfixion spirituelle * La transfixion est un procédé d’amputation consistant à percer la partie à amputer puis à couper les chairs du dedans au dehors.. Ce sera la réalisation parfaite, inégalable, en la Vierge Marie, de la vie chrétienne contemplative telle que la conçoit Jean l’évangéliste : ne pas cesser de regarder avec foi et amour celui que les péchés des hommes ont transpercé.
Le recouvrement de Jésus au temple
Les juifs de plus de treize ans devaient monter au Temple de Jérusalem trois fois par an * Aux fêtes de la Pâques, de la Pentecôte et des Tabernacles (Ex 23 14-17 ; 34 23 ; Dt 16 16).. Les enfants pouvaient y être amenés afin de les habituer à ces rites. Luc laisse entendre que c’est la première fois que Jésus, âgé de douze ans, monte ainsi dans la ville sainte. Au retour du voyage, un incident se produit. Jésus reste à Jérusalem sans que Joseph et Marie ne s’en aperçoivent. Plongés dans l’angoisse, ils se mettent à sa recherche, et ce n’est qu’au bout de trois jours, trois jours d’agonie, qu’ils le trouvent dans le Temple, « assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant. Et tous ceux qui l’entendaient étaient stupéfaits de son intelligence et de ses réponses * Lc 2 46-47. Remarquons au passage que Marie et Joseph trouvent Jésus comme on finit toujours par trouver Dieu (ou le Christ) quand on le cherche assidûment.. » En le voyant, ses parents furent stupéfaits, et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme nous avons souffert en te cherchant, ton père et moi ! » Comment n’auraient-ils pas souffert en le cherchant, eux qui se remémoraient sans aucun doute la magistrale cruauté dont avait fait preuve Hérode pour tuer le Messie. Mais Jésus s’étonne qu’ils l’aient cherché pendant trois jours ailleurs que dans le Temple. Il leur dit : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C’est chez mon Père que je dois être. » Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait. Le « mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait » (Lc 2 50) peut être rapproché de « Le père et la mère de l’enfant s’étonnaient de ce qu’on disait de lui » (Lc 2 33). Ces deux commentaires pourraient laisser penser que Joseph et Marie ignoraient totalement la paternité divine de Jésus. Or, il n’en est rien. L’Annonciation faite par l’ange à Marie et l’annonce faite par l’ange à Joseph (Lc 1 26-38 et Mt 1 20-21) excluent cette interprétation. L’interrogation de Jésus confirme cette certitude : « Ne le saviez-vous pas ? » Ils auraient pu répondre que si. Mais habitués à vivre avec Jésus sur un plan humain, ils sont tout à coup invités, sans transition aucune, à s’élever jusqu'à la sphère de la vie divine et jusqu’au plan de salut du Père qui commande l’existence de son Fils incarné. Jésus emploie le mot Père en un sens nouveau. Marie vient de dire « ton père et moi nous te cherchions », et Jésus répond : « il me faut être occupé aux affaires de mon Père. » Tous les témoins du moment (les docteurs de la Loi, notamment) se trouvent face à la sur-intelligibilité de l’événement, c'est-à-dire que la splendeur aveuglante de la gloire de Dieu voile aux hommes les évidences mêmes. Marie, pleine de grâce, le Seigneur avec elle, épouse du Saint Esprit, est la seule à comprendre pleinement * Marie posséda la sagesse dès sa conception immaculée, mais ‘sur la montagne’ elle accueillit en elle les secrets de Dieu et on peut dire que le Verbe habita en elle depuis qu’elle exista. Aussi, des saints et docteurs de l’Eglise, parmi lesquels saint Albert le Grand, ont conclu que Marie - avant d’accueillir dans son sein très pur et inviolé la Parole du Père pour la vêtir d’une chair dont serait fait le Rédempteur - avait eu dans le cœur et possédé dans son cœur immaculé la Parole divine, à partir du moment qu’elle eut l’âme immaculée infuse dans sa chair, dans le sein d’Anne. Et c’est la Parole qui fut son véritable Maître avant d’être son Fils.. Mais, sans doute pour ne pas mortifier Joseph à qui la plénitude de la grâce n’est pas accordée, Marie garde la signification sublime des paroles de son Fils : « Sa mère gardait dans son cœur tous ces événements » (Lc 2 51).
Cet épisode de Jésus perdu et retrouvé au temple fut pour Marie l’occasion d’une très grande souffrance qui s’ajoutait à celle qu’avait été pour Marie la prophétie de Siméon. Ainsi se préparaient les très dures séparations de l’avenir : tout d’abord celle que représentera pour elle l’entrée du Sauveur Messianique dans son ministère public. Ensuite, et surtout, l’épreuve incomparablement plus douloureuse que devait constituer le drame atroce de la Passion.
Ils n’ont plus de vin
La puissance de la médiation de Marie est mise en évidence dans le récit des noces de Cana. Il est important de situer la scène dans le temps. Jésus quitte sa Mère, à qui il était soumis jusqu’alors, pour commencer son ministère public. Il rencontre le Baptiste à Béthanie de Transjordanie. Jean-Baptiste le reconnaît et le désigne aux yeux de quelques-uns de ses disciples comme étant l’agneau de Dieu. Ceux-ci le suivent et, seulement quelques jours après, Jésus et ses premiers disciples retrouvent Marie à Cana en Galilée, car tous sont invités à un repas de noce. Or on manque de vin. Pour un repas de noce, ce petit détail relève de la catastrophe. La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont plus de vin. » Quelle intention majeure anime Marie pour présenter à son Fils une telle requête ? Est-ce uniquement pour venir en aide aux gens de la noce ? Ce qui pousse avant tout Marie à formuler sa demande, c’est que sachant
par sa foi que Jésus est le Messie et le Fils de Dieu, elle devine que le moment est enfin venu pour lui de manifester sa présence au monde, et comme Messie et comme Fils de Dieu : la théophanie qui avait accompagné le baptême de Jésus dans le Jourdain, ministère même du précurseur, ne faisait-elle pas regarder cette manifestation messianique comme imminente ? Comment l’intuition maternelle de Marie ne l’aurait-elle pas devinée ? Une mère est liée de façon extraordinaire à son enfant, et elle se montre toujours extrêmement attentive à tout ce qui intéresse la vie et la destinée de celui-ci. Ce n’est certes pas pour elle-même que Marie a réclamé cette manifestation messianique. Sa foi n’en a nul besoin. Mais c’est pour ces premiers disciples que Jésus a emmenés avec lui à Cana et dont les convictions sont encore bien chancelantes. Quand Jésus eut opéré le prodige, l’évangéliste note que « ses disciples crurent en lui ». Il se garde bien de dire que Marie, elle aussi, crut en lui. Par contre, ce que l’évangéliste nous suggère fortement, c’est que la foi de Marie, qui selon saint Luc est au point de départ de la réalisation du mystère de l’incarnation, se trouve ici au point de départ du ministère public de Jésus et de la foi chrétienne : Marie a cru avant tous les disciples, et sa foi a même provoqué le signe qui a conduit les disciples à la foi. La réponse que Jésus formule à sa Mère pourrait sembler dure, bien que l’on ne puisse imaginer qu’il l’ait dit avec dureté : « Femme, qu’y a-t-il (désormais) entre toi et moi ? Mon heure n’est pas encore venue », comme pour signifier « auparavant, tu me commandais et je t’obéissais. Je t’étais soumis. Maintenant, je le suis à ma mission. J’appartiens à mon Père. » Mais sa manière de répondre a dû exprimer un assentiment à la prière de sa Mère puisque celle-ci s’adresse finalement aux serviteurs de cette façon : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. » L’utilisation du terme « Femme » et non pas (plus) du terme « maman » signifie que les liens avec sa Mère ont été transformés à compter de ce moment en un caractère plus élevé. Jésus appelle sa Mère « Femme » car elle est la nouvelle Eve associée au nouvel Adam pour le salut du monde (Lc 2 51). La fin de la réponse de Jésus « mon heure n’est pas encore venue » nous renvoie à la Passion et à la Résurrection comme devant être le temps de la grande manifestation messianique. Mais Marie pouvait-elle comprendre à Cana que c’était là l’Heure de Jésus ? Pourtant Marie a cette attitude de foi qui nous rappelle le « qu’il me soit fait selon ta parole ». Elle dit aux serviteurs : « faites tout ce qu’il vous dira. » C’est après cette expression de totale confiance de Marie que Jésus accomplit le miracle qu’elle souhaite. En exprimant sa foi en Jésus, Marie hâte, ou plutôt réalise déjà, la venue de l’Heure de Jésus. Marie apparaît ainsi comme la médiatrice entre Dieu et les hommes. C’est elle qui a donné Dieu à l’homme et qui donne l’homme à Dieu en l’instruisant par son amour. Elle est la Porte Sainte qui s’ouvre avec bienveillance lorsqu’y frappe avec amour un enfant de Dieu. Et plus est humble et simple l’esprit qui se tourne vers elle, plus elle s’empresse d’ouvrir et d’accueillir. Elle accueille pour enseigner la sagesse et l’amour, en tenant ses enfants entre ses bras de Mère.
A l’Heure de Jésus, « Femme, voici ton fils »
Le rôle de Mère spirituelle des disciples de Jésus, déjà inauguré par anticipation à Cana, Marie va désormais le jouer pleinement au Golgotha. L’Heure de Jésus est venue. Elle est aussi l’Heure de l’enfantement métaphorique du monde nouveau que les prophètes attribuent à la nation choisie, personnifiée par eux comme étant une femme, l’épouse de Yahvé, nommée Fille de Sion ou Sion. Jésus vient d’être mis en croix. Alors que dure le supplice de la crucifixion, les soldats partagent ses vêtements. Or, près de la croix de Jésus se tenait sa mère, avec elle la sœur de sa mère, Marie femme de Cléophas, et Marie Madeleine. Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « femme, voici ton fils » (Jn 19 25-26). Aux yeux du Christ, Marie est la Fille de Sion à qui il attribue la maternité métaphorique surnaturelle que les prophètes avaient prédite. A Marie qui voit mourir son fils sur la croix, à Marie, la nouvelle Eve, Dieu donne un nouveau fils ‘à la place d’Abel tué par Caïn’ (Gn 4 25-26). Mais le nouveau fils donné par Jésus à sa Mère dépasse la personne de Jean et s’étend à tous les disciples du Christ, membres de son corps mystique. En effet, les cinq épisodes relatifs au Calvaire rapportés par Saint Jean (Jn 19 17-37) comportent tous, outre le sens littéral de l’événement, un sens théologique et messianique beaucoup plus profond que l’auteur nous laisse le soin de deviner. La fixation du titulus sur la croix (Jn 19 17-22) suggère la royauté du Christ. Le partage des vêtements (Jn 19 23-24) suggère le sacerdoce du Christ et l’unité de l’Eglise. La soif du Christ (Jn 19 28-30) suggère le don de l’Esprit. Le percement de la lance (Jn 19 31-37) (la transfixion) nous dit que le Christ est l’agneau pascal des chrétiens. Ainsi la scène des adieux du Christ à sa Mère ne peut-elle se limiter à une simple portée humaine et familiale. Dans ces paroles du Christ, Jésus nous fait comprendre que Marie, sa Mère, devient au Calvaire la Mère spirituelle des chrétiens. Après avoir enfanté physiquement le corps du Christ à Bethléem, Marie devient au Golgotha la Mère de l’Eglise, le corps mystique du Christ.
A l’Heure de Jésus, « Voici ta mère »
Dans l’Ancien Testament, la nation choisie a pour mission de donner à l’humanité son Sauveur, sans que celle-ci ne soit pour autant jamais appelée la Mère du Messie. En outre, les prophéties présentent souvent la Fille de Sion comme la Mère du nouveau peuple de Dieu (mais pas du Messie personnel). Or, ce n’est que par Marie que la nation choisie et la Fille de Sion ont rempli la fonction que Yahvé leur avait assignée dans l’histoire religieuse du monde. Les récits lucaniens de l’enfance le suggèrent, puisque Marie en son Magnificat voit en ce qui lui arrive l’accomplissement des promesses faites à Abraham et qu’elle est elle-même présentée, à mots couverts, comme une sorte d’incarnation de la Fille de Sion.
Jésus, du haut de la croix, nous enseigne à qui aller pour ne pas rester seuls : à Marie qui est notre Mère. « Voici ta mère » (Jn 19 27). De tout ce qui a pu être exprimé ci-dessus, il ressort que les paroles adressées à Saint Jean nous sont également adressées, à chacun d’entre nous, personnellement. Par son amour filial unique envers Marie, Jean est le « prototype » de ses enfants. Et si nous redevenons comme de petits enfants, nous entrerons dans le Royaume des cieux * Mc 10 13 : « Laissez venir à moi les petits enfants ; ne les empêchez pas car c’est à leurs pareils qu’appartient le Royaume de Dieu. En vérité je vous le dis, quiconque n’accueille pas le Royaume de Dieu en petit enfant n’y entrera pas. ». Ne croyons pas pour autant que nous pouvons entrer dans le royaume des cieux comme de petits enfants courageux qui savent marcher tout seuls. Confions notre enfance à notre Mère. Elle nous portera sur son sein, sur son cœur, Elle nous nourrira du lait de son amour. Marie est notre Mère, non dans un sens symbolique mais réel, parce qu’est mère celle qui donne la vie. Marie, l’arche d’alliance du peuple chrétien, nous a donné la vie et, par conséquent, l’Esprit-Saint, c'est-à-dire celui qui maintient la vie en nous. Plus encore, Marie fait de nous des porteurs du Christ et même d’autres Christs, selon la phrase de saint Paul : « ce n’est plus moi qui vis ; c’est le Christ qui vit en moi. »
Enfin, par sa maternité et sa médiation, Marie apparaît comme l’archétype de l’Eglise. En effet, bien que sur un plan inférieur * Dans l’ancienne économie, l’arche d’alliance gardait dans le Saint des saints la présence mystérieuse de Yahvé. Cette présence était le grand trésor de la nation choisie. C’était là sa fierté ; c’était là aussi sa force. C’est sur cette force qu’elle s’appuyait surtout aux heures critiques. Or, à deux reprises dans les récits lucaniens (Lc 1 35 et 43), il nous est suggéré de voir en Marie une nouvelle arche d’alliance, celle de l’ère de grâce, donc celle de l’Eglise. Ce n’est d’ailleurs qu’en tant qu’unie indissolublement à Jésus que Marie mérite ce titre d’arche d’alliance. Marie, l’arche d’alliance des chrétiens, est la source cachée de leur vie et leur grand recours, surtout dans les temps de crise. Il nous est ainsi montré comment Marie, Elle-même dans l’Eglise car pleine de grâce, est au dessus de l’Eglise, un peu comme une mère est au dessus de son enfant. Car Marie, par son fiat absolu qui a créé ce lien hors du commun avec Dieu Trinité, dépasse immensément l’Eglise. C’est précisément ce qui fait que l’Eglise invoque sans cesse l’intercession de Marie., l’Eglise est aussi mère et médiatrice. Marie est le parfait modèle de l’Eglise. C’est en devenant de plus en plus semblable à Marie que l’Eglise réalise de plus en plus l’intention de son Fondateur : « Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient aussi avec moi, pour qu’ils contemplent la gloire que tu m’as donnée, parce que tu m’as aimé avant la création du monde (Jn 17 22-24).
Marie, Corédemptrice
Pour nous, Marie a participé aux souffrances du Christ, du Rédempteur de l’humanité. Cette agonie a duré trente-trois ans * Unie à l’Esprit de Sagesse, Marie sut dès la conception de l’enfant en elle, quel avenir était réservé au Sauveur. Et tout cela pour nous, les hommes : pour nous, la peine de faire souffrir Joseph qui n’est pas encore au courant de la conception virginale lorsque Marie revient de chez Elisabeth et que sa grossesse commence à se voir ; pour nous, l’enfantement dans une misérable étable ; pour nous la prophétie de Siméon qui retourna la lame dans la plaie, ravivant et approfondissant la blessure de l’épée ; pour nous, la fuite en terre étrangère ; pour nous, les anxiétés de toute une vie... et a atteint son point culminant au pied de la croix. Si l’évangéliste Saint Jean ne souffle mot de cette souffrance de Marie dans le récit de la Passion, celle-ci est clairement insinuée dans l’annonce d’un prompt retour dont Jésus parle aux apôtres au cours de son dernier repas : « La femme, sur le point d’accoucher, s’attriste, parce que son heure est venue ; mais quand elle a enfanté, elle oublie les douleurs, dans la joie qu’un homme soit venu au monde » (Jn 16 21). Dans la bouche de Jésus, il y a bien association de l’heure de Marie et de son Heure à Lui qu’il évoque aux noces de Cana.
La Corédemption est cette collaboration au rachat de la terre, c'est-à-dire du genre humain, pour la délivrer de la servitude du péché et de la mort. Marie, par sa souffrance et son sacrifice, a participé au rachat de l’humanité par le Christ. C’est ce qu’exprime avec insistance l’Apocalypse de Saint Jean : « Un signe grandiose apparut au ciel : c’est une Femme ! Le soleil l’enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête ; elle est enceinte et crie dans les douleurs et le travail de l’enfantement. * Ap 12 1-2. Nota : il serait erroné de considérer que ces deux versets ne font aucune allusion à la Vierge Marie, de la même façon qu’il serait erroné de considérer que ces deux verset ne font allusion qu’à la Vierge Marie. Le texte de l’Apocalypse de Saint Jean est l’un des plus difficiles de tout le nouveau testament. En effet, une vision apocalyptique est tout autre chose qu’un récit historique. On ne peut expliquer convenablement Ap 12 si l’on n’admet pas au départ que l’auteur a comme télescopé et fondu en une vision unique des réalités certes intimement unies, mais parfaitement distinctes. C’est ainsi qu’il a fondu ensemble la naissance physique du Christ à Bethléem et sa naissance métaphorique au Calvaire, ce qui lui permet de parler des douleurs atroces de l’enfantement. Mais la Femme couronnée d’étoiles qui enfante le Christ est également une personnification du peuple de Dieu, et plus particulièrement de la Sion idéale des prophètes comme le montre la très nette référence d’Ap 12 5 à Is 66 7 où Sion donne naissance au peuple messianique. » Ce qui surprend peut-être le plus dans ce récit de l’Apocalypse, c’est que Jean, au lieu de décrire directement la Passion du Christ, ne parle que de la Compassion de sa Mère torturée pour enfanter. Tout se passe comme si Passion de Jésus et Compassion de Marie ne faisaient qu’un. Nous trouvons le même phénomène dans la prophétie de Siméon. Certes, dans un cas comme dans l’autre, Jésus demeure l’unique Sauveur des hommes. Mais dans un cas comme dans l’autre, les souffrances de sa Mère sont tenues pour inséparables de ses propres souffrances rédemptrices. Rédempteur et Corédemptrice : nouvel Adam et nouvelle Eve, pour le salut de l’humanité.
Marie, reine des apôtres et du sacerdoce
Après l’Ascension de notre Seigneur, les apôtres retournèrent à Jérusalem (...) Rentrés en ville, ils montèrent à la chambre haute où ils se tenaient habituellement. C’étaient Pierre, Jean, Jacques, André, Philippe et Thomas, Barthélémy et Matthieu, Jacques fils d’Alphée et Simon le Zélote, et Jude fils de Jacques. Tous d’un même cœur étaient assidus à la prière avec (...) Marie mère de Jésus (Ac 1 12-14). A ce moment, les apôtres n’ont pas encore reçus l’Esprit Saint qui leur donnera la force de proclamer, jusqu’au martyr, le royaume de Dieu, d’annoncer l’Evangile jusqu’aux confins de la terre, de témoigner de la mort et de la Résurrection du Christ. Matthias vient d’être élu à la place de Judas. Ils sont là tous les douze avec Marie, Mère de Jésus, Mère de l’Eglise. Marie prie avec eux dans la chambre haute. Elle est comme une maman qui tient son jeune enfant par la main pour l’empêcher de tomber et de se faire du mal. Et cet enfant, c’est l’Eglise, corps mystique du Christ. Car il n’est pas possible de persévérer dans le Christ si la grâce ne se fortifie pas par l’aide de la Mère pleine de grâce. Celui qui a reçu la charge de conduire cet enfant, de lui tenir l’autre main en quelque sorte, est là aussi : Pierre, le premier pape. Quelques jours auparavant, Jésus avait rappelé aux apôtres ce qu’Il leur avait appris : Jean, lui, a baptisé avec de l’eau, mais vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés sous peu de jours (Ac 1 5). Le jour de la Pentecôte étant arrivé, ils se trouvaient tous ensemble dans un même lieu, quand, tout à coup, vint du ciel un bruit tel que celui d’un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils se tenaient. Ils virent apparaître des langues qu’on eût dites de feu ; elles se divisaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. Tous furent alors remplis de l’Esprit Saint et commencèrent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer (Ac 2 1-4). Marie, la Fille de Dieu, la Mère de Dieu, l’Epouse de Dieu, est là, présente, au milieu des apôtres. Elle, l’incorruptible Vierge, est couronnée par cette effusion de l’Esprit. Au milieu des apôtres, elle est leur reine. Oh, comme il est bon de se blottir contre le sein d’une si douce reine, d’une si tendre maman ! Oh, comme il est grand et saint de lui confier son ministère, à elle, la reine du sacerdoce ! Oh, comme il plaît à la très Sainte Trinité d’être prié par elle, d’accorder par son intercession les grâces divines à ses apôtres, à ses prêtres, et à tous ses enfants !
L’Assomption
La fin de la vie de la Vierge fut la Vie glorieuse et immédiate, c'est-à-dire que le Seigneur envoya ses anges pour l’élever, corps et âme, à la gloire du ciel. Il existe des fondements dogmatiques à cet événement : celle qui avait porté le Vivant ne pouvait connaître la mort, et celle qui n’avait pas été profanée dans son humanité ne pouvait connaître la profanation du sépulcre. A ceci s’ajoute que Marie fut semblable à Eve d’avant la faute. Préservée de la faute, la Vierge Marie devait être préservée aussi de la peine, c'est-à-dire de la corruption de la mort. Par l’Assomption de la Vierge, le Seigneur enseigne aux croyants une vérité qui nous encourage à croire à la résurrection de la chair et à la récompense d’une vie éternelle et bienheureuse pour les justes. C’est aussi pour que nous croyions que c’est au Ciel que se trouve le cœur de la Mère des hommes, palpitant d’un amour anxieux pour nous tous, justes et pécheurs, désireuse de nous avoir tous à ses côtés dans la patrie bienheureuse, pour l’éternité.
Les premières mentions d’une fête célébrant la mort et la glorification de Marie datent du V° siècle, au sanctuaire marial de Gethsémani * Ce qui ne signifie d’ailleurs nullement que le culte ait attendu le V° siècle pour commencer.. Au VI° siècle, la fête du 15 août est unanimement admise à Jérusalem et étendue à tout l’empire d’Orient par édit de l’Empereur, sous le vocable de « Dormition » ou de « Repos » * Entre toutes les fêtes de la Vierge, François semble avoir préféré l’Assomption. D’habitude, il s’y préparait par une jeûne spécial de 40 jours. C’est à lui sans doute qu’on peut attribuer la levée de l’abstinence, accordée aux « frères et soeurs de la Pénitence » en ce jour là, comme aux « plus grandes fêtes », chaque fois que cette solennité tombait un jour d’abstinence prévu par leur règle. Car en ce jour-là tout devait céder devant la joie de l’honneur accordé à Marie.. En effet, les premiers textes hésitent entre le terme de Résurrection et celui d’Assomption. Enfin, notre souverain Pontife, le pape Pie XII, proclame en 1950 le dogme de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie : « ... la Vierge Immaculée, préservée par Dieu de toute atteinte de la faute originelle, ayant accompli le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire du ciel, et exaltée par le Seigneur comme la Reine de l’univers, pour être ainsi plus entièrement conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs, victorieux du péché et de la mort. »
L’AMOUR DE PREDILECTION DE FRANÇOIS POUR LA VIERGE MARIE
Tous les biographes de François attestent la vénération ardente et même extraordinaire de François à l’égard de Marie. François, homme simple, c'est-à-dire sans recours à la science livresque, va être introduit par la prière et la méditation au cœur des mystères de Marie. Il ne faudra donc pas s’attendre à trouver chez François un exposé de doctrine mariale clairement formulé à la façon des traités de théologie, encore moins de trouver une étude exhaustive ou même systématique des problèmes. Pour autant, François a compris la place éminente de la Vierge dans le plan salvifique de Dieu. Ses paroles et ses écrits nous livrent les fruits de sa prière sous une forme spirituelle si personnelle, si originale, si unique, qu’aujourd’hui encore ces textes méritent une attention toute particulière de notre part. * L’essentiel (pour ne pas dire la totalité) des lignes qui suivent sont extraites de l’ouvrage édité par Editions Franciscaines 1958, Thèmes spirituels, P. Kajetan Esser, ofm, p. 149 à 178.
Marie et le Christ
« Il aimait d’un amour indicible la Mère du Christ Jésus, car c’est elle qui nous a donné pour frère le Seigneur de toute majesté » (2 C 198), « et par elle nous avons obtenu miséricorde » (LM 9 3). Ces paroles si simples des biographes nous découvrent le fondement le plus profond de la vénération que François portait à Marie. L’Incarnation du Fils de Dieu était à la base de toute sa vie religieuse et, toute sa vie durant, il s’est efforcé avec soin de suivre en tout les traces du Verbe fait chair. Il devait donc normalement un amour reconnaissant à cette Femme unique, qui a mis Dieu à portée de notre condition humaine, mais qui, bien plus encore, « nous a donné pour frère le Seigneur de toute majesté » * Cette parole montre précisément que saint François marque un aboutissement et un tournant dans la piété de l’Eglise du moyen âge. A la suite de toute la piété antérieure il voit encore dans le Christ le « Dominus majestatis » (le Seigneur de toute majesté), le Maître qui domine toute la création, tel qu’il est représenté dans la « majestas Domini » par l’art antique et celui du haut Moyen Age. Mais François sait aussi - et c’est ce qui le rattache au nouveau style de piété christocentrique - que d’après l’Evangile (Mt 12 50 et 25 40-45) le Fils de Dieu est devenu par son Incarnation le Frère de tous les rachetés (1 Reg 22). La maternité divine de Marie lui offre la possibilité d’unir ces deux aspects.. D’où le rapport étroit de Marie à l’œuvre de notre Rédemption : nous lui devons, à elle aussi, d’avoir trouvé grâce auprès de Dieu.
L’Incarnation du Fils de l’homme par Marie provoque chez François une action de grâce. Avec joie, il remercie et loue le Père céleste d’avoir accordé à Marie la grâce de la maternité divine. Il voit dans cette grâce - et en elle seule - le premier et le plus important motif de louange et de vénération pour elle : « Ecoutez, mes frères. La bienheureuse Vierge Marie est tellement honorée - et c’est justice - parce qu’elle a porté le Christ dans son sein très béni... » (3 Let 21). Il faut rappeler qu’à l’époque de François, l’hérésie Cathare, en vertu de son principe dualiste, nie l’Incarnation du Fils de Dieu ; du même coup elle réduit à néant la participation de Marie à l’œuvre du Salut. Aussi, pour que sa piété mariale traduise bien sa pensée à l’encontre de ces erreurs, François ne cesse d’y souligner fréquemment, sans équivoque, la maternité réelle de la Vierge : « Ce Verbe du Père, si digne, si saint et glorieux, le Père très haut en annonça la venue, par son saint archange Gabriel, à la sainte et glorieuse Vierge Marie, du sein de laquelle le Verbe reçut vraiment la chair de notre humanité fragile » (1 Let 4). Dans la « Salutation à la Mère de Dieu », François glorifie cette authentique maternité divine de Marie par une vraie litanie : il l’acclame en des termes concrets et suggestifs : « Palais et Tabernacle de Dieu », « Maison et Vêtement de Dieu », « Servante et Mère de Dieu » * Le frère W. Lampen, ofm, a rassemblé tous les titres dont François honore Marie (De S. Francisci cultu Angelorum et Sanctorum, dans Arch. Franc. Hist 20 (1927), p. 12), et arrive à cette conclusion surprenante qu’il n’en a employé aucun à deux reprises. Il y voit un signe de l’originalité poétique et de l’amour inventif de saint François.. Ces expressions montrent bien la préoccupation de sauvegarder dans la chrétienté de l’époque, menacée par le catharisme, l’image authentique de Marie.
Essayons maintenant de dégager ce qui, en ce premier aspect de la piété mariale de François, garde une signification valable pour tous les temps. Soulignons d’abord ceci : François ne voit jamais Marie isolément, détachée de ce mystère de la maternité divine qui seul fonde son rôle dans le christianisme. L’important pour saint François, dans sa vénération envers Marie, c’est de faire ressortir concrètement le mystère du Christ Homme-Dieu. On peut affirmer par ailleurs qu’en soulignant à ce point la maternité physique de Marie, François a maintenu dans la vie chrétienne, dans la piété et dans l’ascèse, une image nette, dynamique et entraînante du Jésus de l’histoire, à jamais inséparable du Seigneur ressuscité et monté aux cieux, comme en témoignent les Ecritures. D’où l’absence, dans le culte marial de François, de toute abstraction, de toute science conceptuelle. Il part toujours du concret, du palpable, du fait historique, et donc de la révélation divine ; car celle-ci se manifeste dans les événements palpables et concrets de l’histoire du Salut. C’est justement par là que la piété mariale de saint François devait marquer de façon vivante et durable tout l’avenir de l’Eglise.
Marie et la Sainte Trinité
François a très nettement conscience que dans la vie de Marie, tout vient de Dieu. Jamais François ne glorifie Marie sans glorifier en même temps le Dieu un et trine. Jamais François ne voit et ne contemple Marie toute seule, pour elle-même, ni même uniquement dans ses rapports particuliers avec le Christ ; il dépasse toujours ce plan pour la considérer en ses relations concrètes et vivantes avec la trinité : « Salut, Marie, Dame sainte, reine, sainte Mère de Dieu, vous êtes la Vierge devenue Eglise ; choisie par le très saint Père du Ciel, consacrée par lui comme un temple avec son Fils bien-aimé et l’Esprit Paraclet, Vous en qui fut et demeure toute plénitude de grâce et Celui qui est tout bien » (SBV 1-3). Une fois de plus, nous le constatons, tous les attributs de Marie dont François fait l’éloge nous ramènent au mystère central de sa vie : la maternité divine ; mais cette maternité est, en l’humble Vierge, l’œuvre du Dieu-Trinité. Même sa virginité perpétuelle est toute axée sur la maternité divine. La virginité fait de Marie le « vase très pur » où Dieu peut se déverser avec toute la plénitude de sa grâce pour réaliser en elle le grand mystère de l’Incarnation. La virginité n’est donc pas une valeur en soi * Ne risquerait-on pas, en effet, de confondre virginité et stérilité si l’on faisait de la virginité une valeur en soi ? mais elle est pure réceptivité pour l’action divine qui la féconde d’une fécondité humainement incompréhensible. Par là, « elle est toute consacrée de par Dieu avec son bien-aimé et très saint Fils et l’Esprit Paraclet ». L’action du Dieu-Trinité ne cesse d’entretenir cette fécondité : « Vous en qui fut et demeure toute plénitude de grâce et tout bien ».
François faisait réciter à chacune des heures de l’office une antienne qu’il avait composée. Celle-ci exprime plus nettement encore les relations vivantes entre Marie et la Trinité : « Sainte Vierge Marie, aucune n’est semblable à Toi, parmi les femmes de ce monde : fille et servante du Roi très haut, le Père céleste, mère de notre très saint Seigneur Jésus-christ, épouse du Saint-Esprit. » Ici encore, c’est l’œuvre de la grâce divine en Marie qui est exaltée avec des qualificatifs appropriés. Les deux premiers qualificatifs sont clairs et ne présentent aucune difficulté : nous les trouvons déjà souvent employés dans la tradition antérieure de l’Eglise. Mais il faut nous arrêter plus longuement au troisième attribut : « épouse du Saint Esprit », d’un emploi si courant aujourd’hui * W. Lampen a étudié l’œuvre du Jésuite C. Passagli « De immaculato Deiparae semper Virginis conceptu » (tom. I, Naples 1855), où l’on trouve une liste de six cents titres décernés à Marie par les auteurs ecclésiastiques d’Orient et d’Occident. Or, précisément, il n’y a pas trouvé l’épithète en question. Il suppose donc, à bon droit, que Saint François a été le premier à l’employer.. François pénètre, jusqu'à leur sens le plus profond, toutes les assertions de l’Evangile à propos de Marie. Puis, dans sa prière, il traduit en clair ce qui dans le message de l’Ange Gabriel est dit en langage voilé. Marie devient Mère par l’opération du Saint Esprit. Parce que, Vierge, elle s’est ouverte à cette action totalement ou, comme dit saint François, « en toute pureté », elle est devenue, en tant qu’épouse du Saint Esprit, « Mère du Fils ». Ici surtout, la profondeur d’intuition jusqu’au cœur du mystère nous apparaît chez saint François comme le fruit de la contemplation. En effet, au dire de Celano, l’humilité du Seigneur en son Incarnation le saisissait au point qu’il pouvait à peine penser à autre chose. Il ne se lassait jamais de penser à ce mystère. Il était capable de consacrer des nuits entières à la prière, à la « louange de Dieu et de la glorieuse Vierge, sa Mère » (1 C 24).
Marie et le plan de Dieu
Parce qu’elle est Mère de Jésus, François se plaît à invoquer Marie comme « Mère de toute bonté » (LM 2 8). Voilà pourquoi il s’établit près de la Portioncule, sanctuaire dédié à la Mère de Dieu ; car il attendait tout de sa bonté : « Il plaçait en elle, après le Christ, une confiance toute spéciale » (1 C 21). C’est là, dans ce sanctuaire de la Portioncule, que selon l’expression de saint Bonaventure, il conçut et engendra l’Esprit de vérité évangélique par les mérites de la Mère de miséricorde. Le saint Docteur met en relief cette allégation mystique en la rapportant au mystère de l’Incarnation, où Marie « a conçu le Verbe plein de grâce et de vérité » (LM 3 1, Lm 7 3). Jamais on n’aura pénétré plus profond dans l’amour et la vénération de saint François envers Marie. Mais ce culte marial ne se borne pas chez lui à d’ardentes formules de prières et à des hymnes de louange ; il débouche en une préoccupation constante de faire sienne, en tout, l’attitude de Marie à l’égard de la Parole de Dieu, du Verbe de Dieu. Tout commence d’abord par une conception : à l’instar de Marie, l’homme doit recevoir en lui la Parole de Dieu, l’accueillir avec une foi obéissante, s’en pénétrer totalement. Ensuite, cette conception doit aboutir à un enfantement : toujours comme Marie, l’homme doit, dans la soumission de sa foi, engendrer la Parole de Dieu, lui donner forme et vie. Saint Bonaventure note une sorte de parallélisme du mystère de l’Incarnation du Verbe en Marie et en François. Il n’aurait pu trouver langage plus heureux et plus pénétrant pour exprimer l’orientation mariale de la vie évangélique du Poverello. Saint Bonaventure n’introduit pas, dans la biographie du fondateur de son Ordre, des conceptions théologiques étrangères. Il suffit de relire la lettre de François à tous les fidèles du monde : il y dévoile sa pensée avec une rare abondance. Dans les premières lignes (1 Let 4-5 (deuxième rédaction)), il décrit la naissance du Verbe divin du sein de la glorieuse et sainte Vierge Marie. Mais ce n’est pas en Marie seulement que cette naissance divine se réalise ; elle tend à se reproduire mystiquement dans le cœur des fidèles. Plus loin dans la lettre, François interprète ce mystère en un raccourci saisissant, dans son langage à lui : « Nous lui sommes des mères, quand nous le portons dans notre cœur et dans notre corps par l’amour, par la loyauté et la pureté de notre conscience, et que nous l’enfantons par nos bonnes actions, qui doivent être pour autrui une lumière et un exemple » (1 Let 53). On pourrait croire tout d’abord que François se borne ici à exposer une conception plutôt ascétique de ce mystère. Mais dans le même contexte, nous trouvons une autre affirmation, liée intimement à celle qui concerne la maternité spirituelle : « Nous lui sommes ses époux lorsque, par l’Esprit-Saint, l’âme fidèle est unie à Jésus-Christ ». Le mystère de la maternité spirituelle se fonde et s’enracine dans le mystère parallèle de l’intimité nuptiale créée par le Saint-Esprit entre le Christ et l’âme fidèle * Jésus nous l’apprend avec vigueur : « Voici ma mère et mes frères. Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère. » Mt 12 49-50.. Cette maternité ne se développe donc pas uniquement à coups d’efforts, de performances ascétiques ; elle est aussi et d’abord un don surnaturel de l’amour de Dieu en l’Esprit-Saint.
La naissance du Christ dans le cœur des fidèles n’est qu’un aspect de cette maternité. En effet, pour François, par cette vie chrétienne, c'est-à-dire par la « pratique du bien, lumière et exemple » pour le prochain, il faut enfanter le Christ dans les autres. Ici, la fonction maternelle d’une vie chrétienne personnelle débouche dans l’Eglise entière pour y engendrer la vie. François parlait souvent de cette fonction maternelle du fidèle dans l’Eglise ; c’est ainsi qu’il applique « à ses frères simples et illettrés » cette parole de l’Ecriture : « La femme stérile enfante sept fois » (1 S 2 5), et il en fait le commentaire suivant : « La femme stérile, c’est le pauvre petit frère qui n’a pas pour mission d’engendrer des enfants à l’Eglise : mais on verra au jour du jugement, qu’il est devenu la mère de nombreux fils, car le Juge lui attribuera pour sa gloire tous ceux qu’il convertit au Christ par ses prières que personne ne voit » (2 C 164).
Ce qui s’est réalisé en la maternité de Marie pour le salut du monde se prolonge encore et toujours par l’action surnaturelle du Saint Esprit dans le cœur des fidèles. N’est-ce pas ici, au fond, le mystère même de l’Eglise, auquel participent les fidèles ? Cette grâce que François contemple en Marie, il sait qu’il y participe. Cette même œuvre de grâce, il sait qu’elle devra se réaliser par lui et par les siens dans l’Eglise. Mère du Christ, c’est cela d’abord et surtout que Marie est pour lui ; voilà pourquoi il l’aime d’un amour indicible. Maternité divine, voilà le mystère que ses yeux discernent dans les fidèles « qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique » (Lc 8 21), et prennent part ainsi à la fonction maternelle de notre Mère l’Eglise. Arrivés à ce point, nous pouvons résumer l’idéal marial de François en cette formule : Vivre en Eglise comme a vécu Marie.
LA VIERGE MARIE, L’HUMBLE SERVANTE DU SEIGNEUR
Article 9.
François eut un amour de prédilection pour la Vierge Marie, l’humble servante du Seigneur, toujours disponible à sa parole et à ses appels ; il la voulut comme protectrice et avocate de sa famille * 2 C 198.. Les laïcs franciscains lui témoigneront un amour fervent en imitant sa disponibilité totale, et par une prière confiante et attentive.
La dernière partie de ce chapitre cherchera à ne pas faire de « redites » par rapport à tout ce qui a déjà pu être exposé précédemment. Aussi, et comme l’aspect de disponibilité de la Vierge a été fort développé plus haut dans ce chapitre (voir notamment le fiat de l’Annonciation), et sans pour autant l’oublier, nous insisterons tout d’abord sur l’une des formes concrètes de la piété mariale de François, à savoir la pauvreté de la Vierge. Nous constaterons par là que la piété mariale de François n’est pas dans sa vie comme un corps étranger et isolé. Extérieurement et intérieurement, elle ne fait qu’un, d’une unité indissoluble, avec son idéal d’imitation du Christ, surtout en ce qui concerne la très haute pauvreté. Nous découvrirons ensuite pourquoi François voulut choisir la Vierge Marie comme protectrice et avocate de sa famille. Enfin, nous approfondirons comment témoigner à Marie, personnellement et communautairement, de notre amour pour Elle.
Marie, la pauvre Dame
Au dire de Thomas de Celano, l’humilité du Seigneur en son Incarnation saisissait François au point qu’il pouvait à peine penser à autre chose (1 C 84). Il ne se lassait jamais de penser à ce mystère. Cette action de l’amour divin, accueillie par Marie d’un cœur plein de foi, avec un oui sans réserve, élevait, aux yeux de François, la Mère de Dieu par dessus toutes les créatures. Aussi chantait-il cette « Dame Sainte, cette très sainte Reine », comme la « Dame du monde » (LM 2 8). Mais François souligne encore très fort en Marie un autre titre de noblesse, fruit du premier : elle est pour lui la « pauvre Dame » (2 C 83). Mais ici encore, ce titre n’a pas pour lui de valeur autonome et isolée : il voit dans la pauvreté de Marie une réplique concrète de celle du Christ. Elle est le signe d’une communion totale et voulue de Marie à la destinée de son Fils. A cette pauvreté rédemptrice du Christ, Marie et les disciples de Jésus ont pris leur part ; à son tour François veut y participer avec tous ceux qui veulent le suivre. Aussi, lorsqu’il exige de ses frères une vie de pauvreté et de mendicité, il leur rappelle l’exemple du Christ, « qui fut pauvre et sans abri, qui a vécu d’aumônes, lui, et la bienheureuse Vierge, et ses disciples » (1 Reg 9 5). Aussi appelait-il la pauvreté la reine de toutes les vertus, parce qu’elle a brillé d’un tel éclat chez le Roi des rois et chez sa Mère, notre Reine (LM 7 1).
François voyait en Marie celle qui aime par-dessus tout la vie évangélique de pauvreté. A son avis, elle attachait plus de prix à une telle vie qu’à toute marque extérieure de vénération. Un jour, Frère Pierre de Catane, le Vicaire de l’Ordre, voyant affluer à Sainte Marie de la Portioncule des multitudes de frères étrangers, se trouve fort embarrassé pour nourrir tout ce monde car les aumônes n’y suffisent pas. Il dit alors à François : « Père, je ne sais plus que faire. De tous côtés on accourt ici en foule, et je n’ai pas de quoi suffire à tous leurs besoins. Donne-moi, je t’en prie, la permission de recevoir et de mettre en réserve une part des biens des novices qui entrent chez nous, et je pourrai y puiser quand j’en aurai besoin ». « Mon bien cher frère, répond François, loin de nous cette prétendue pitié : en faveur d’un homme, tu pécherais contre l’Evangile ! » « Que dois-je donc faire ? » réplique le frère Pierre de Catane. Et François de répondre : « Si tu ne peux autrement subvenir aux besoins des frères, dépouille plutôt l’autel de la Vierge et supprimes-en les garnitures. Crois-moi : elle sera bien plus contente de voir l’Evangile de son Fils observé et son autel dépouillé que son autel orné et son Fils méprisé. Le Seigneur enverra bien quelqu’un pour rendre à sa Mère ce que celle-ci nous aura prêté » (2 C 67). Un tel récit nous montre combien François prenait au sérieux l’imitation de la pauvreté de Marie, mais combien cette pauvreté s’intégrait dans une vie entièrement conforme à l’Evangile.
Marie, protectrice de l’Ordre
Saint Bonaventure raconte que François, dans les premières années après sa conversion, séjournait volontiers à la Portioncule, église dédiée à la Vierge Mère de Dieu, et que dans sa prière il la suppliait instamment d’être pour lui une « avocate » pleine de clémence (LM 3 1). Il ne la voulut pas pour lui seul, mais aussi pour ses frères comme nous le dit si bien Thomas de Celano : « Mais nous avons bien sujet d’être joyeux, car il a voulu la choisir comme Patronne de l’Ordre * Advocata, c'est-à-dire à la fois protectrice et avocate, qui favorise et qui défend. Cette invocation se trouve dans le Salve Régina (XIe s.)., et mettre sous ses ailes, pour qu’elle les couve et les protège jusqu'à la fin, les frères que lui-même un jour devait quitter » (2 C 198). Pour François et les Frères Mineurs, qui avaient renoncé à tous les biens de ce monde, ce terme d’avocate ne pouvait avoir qu’une signification spirituelle * A l’époque de François et antérieurement, certains Ordres propriétaires de grands biens faisaient appels à un avocat pour les représenter devant les tribunaux séculiers. L’avocat devait les protéger et au besoin les défendre contre toute violence et usurpation extérieures. Ce fut plus d’une fois, au cours des âges, une occasion d’abus. C’est pourquoi les Cisterciens renoncèrent par principe aux avocats (bien qu’ils eussent parfois à s’en repentir) et choisirent Marie comme avocate de leur Ordre.. Marie devait représenter les Frères auprès du Seigneur, prendre soin d’eux et les protéger dans toutes les péripéties et les crises de leur existence. A la protection de l’Ordre s’ajoutait, pour François, l’intercession de Marie auprès du Dieu Trinité. Cette intercession s’exprime tant au niveau de l’action de grâces qu’au niveau de la remise des fautes.
François s’adresse donc à elle, « la glorieuse, toujours Vierge et très bienheureuse sainte Marie », pour la supplier humblement, en présence de tous les anges et de tous les saints, de l’aider, lui et tous les Frères Mineurs, à remercier « Dieu, l’Eternel et le Saint », « comme il lui plaît à lui » (1 Reg 23 6), pour ses grâces immenses, pour son œuvre de Salut. A la tête de toute l’Eglise triomphante, qu’elle daigne présenter en notre nom cette action de grâces à l’éternelle Trinité.
François confesse aussi toutes ses fautes, surtout ses manquements à la vie évangélique exigée par la Règle et ses infidélités dans la louange divine, à « la bienheureuse Marie toujours Vierge ». Notons qu’il les confesse à la Vierge Marie après les avoir confessés à Dieu Trinité et avant de le faire à tous les autres saints. Il fait cette confession car « il n’a pas toujours dit l’office selon la Règle : soit par négligence, soit par maladie, soit parce qu’ignorant et sans culture » (3 Let 39). C’est surtout à propos de ses manquements envers Dieu qu’il s’adresse plein de confiance à son « avocate », pour qu’elle le prenne sous sa protection. Cette demande s’exprime avec beaucoup de profondeur dans le Pater paraphrasé : « ... remettez-nous nos dettes, par votre miséricorde ineffable, par la vertu de la Passion de votre Fils bien-aimé, notre Seigneur Jésus-Christ, par les mérites et la puissante intercession de la très bienheureuse Vierge Marie et de tous vos élus ».
Témoignons à Marie un amour fervent
L’article 9 de notre règle nous invite à témoigner à la Vierge Marie d’un amour fervent. Notre Règle, à la fois toujours concise, pratique et ouverte, nous oriente vers deux moyens concrets : tout d’abord en imitant la disponibilité totale de Marie à son Seigneur ; ensuite, par une prière confiante et attentive à la Vierge Marie.
La disponibilité totale de Marie est certainement la mieux résumée dans la réponse qu’elle fit au porte-Parole de Dieu Trinité le jour de l’Annonciation : « Voici la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole ». Par son oui, elle devient corporellement la Mère du Seigneur. Mais ce fait biologique est réalité théologique, parce qu’il est la réalisation du contenu spirituel le plus profond de l’alliance que Dieu voulait conclure avec Israël. C’est ce que fait merveilleusement apercevoir l’évangéliste Luc dans la proclamation d’Elisabeth : « Bienheureuse celle qui a cru » (Lc 1 45) et dans la réponse du Christ à l’interpellation de la femme : « Bienheureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui l’observent » (Lc 11 27). Qui, mieux que Marie, a cru à la Parole et la mise en pratique ? Nous retrouvons dans les dispositions de Marie nos grandes et graves intentions : la volonté de son Fils, que le nom de Dieu soit glorifié, que son règne vienne, et que sa volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
La vénération de Marie est la voie la plus sûre et la plus courte pour nous rapprocher concrètement du Christ. En méditant la vie de Marie dans toutes ses phases, nous apprenons ce que c’est que de vivre pour le Christ et avec le Christ, dans la vie quotidienne, dans une proximité qui ne présente aucune exaltation, mais connaît une proximité intérieure parfaite. En contemplant l’existence de Marie, nous nous plaçons aussi dans l’obscurité qui est imposée à notre foi ; cependant, nous apprenons comment être constamment prêts, quand Jésus réclame soudain quelque chose de nous. Les prières mariales employées le plus souvent nous conduisent toujours dans cette proximité concrète avec le Seigneur et avec tout le mystère de la Rédemption. Indiquons seulement trois de ces prières.
L’Ave Maria ne se compose, sauf la demande finale, que de paroles de la Sainte Ecriture : le salut de l’ange (je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous) et aussitôt les merveilleuses paroles d’Elisabeth, qui nous montrent en même temps ce qu’est le vrai culte marial (vous êtes bénie entre toutes les femmes, et le fruit de vos entrailles est béni). La demande finale qui, avec le concile d’Ephèse donne à Marie le titre christologique de « Mère de Dieu », formule aussi simplement que possible l’intention du chrétien pécheur dans l’Eglise : demande d’intercession pour maintenant et pour l’heure de la mort qui décide tout.
De même, l’Angélus ne dépasse aucunement ce qui est préformé dans la Bible : les trois brèves formules sont christocentriques : annonce de l’Incarnation, consentement de la Vierge, accomplissement de l’Incarnation elle-même. Les trois Ave ajoutés nous font demeurer auprès de la créature humaine en qui s’est réalisée le miracle de l’Incarnation, et par là entrer pour ainsi dire nous-mêmes dans le rayonnement du miracle. Tout chrétien qui prie ainsi sait que l’Incarnation du Verbe le concerne lui aussi immédiatement, qu’elle doit se réaliser aussi en lui, s’il veut porter le nom de Chrétien.
Enfin, le Rosaire. Certes, voilà une prière qui n’est pas toujours facile et qui n’intéresse pas chacun de la même manière. Ce mode de prière ramasse toute l’histoire du salut, la représentation concrète des mystères de la vie de Jésus : sa jeunesse, la fin de sa vie publique dans la passion, sa résurrection et son achèvement, dans lequel il introduit aussi Marie comme archétype de l’Eglise : représentation de la prière du Christ au Père, et finalement glorification toujours nouvelle de la Trinité ; le tout introduit par la profession de foi complète. Dans la succession des Ave Maria s’ouvre pour l’orant contemplatif un espace presque infini du monde de la prière, un espace qui peut être parcouru dans toutes les directions ; mais, afin qu’on ne s’y perde pas, Marie est donnée comme point d’appui. En elle, le mystère de la Trinité éclôt pour la première fois. Elle accompagne ensuite le Dieu incarné du berceau au calvaire, et au delà, à la vie glorifiée ; Marie, comme nul autre, est associée au cheminement de Jésus jusqu’à l’Assomption corporelle dans le ciel qui lui est donnée, à elle la première parmi les croyants qui doivent la suivre un jour. Aussi voilà une prière composée de textes et d’aspects purement bibliques, et qui, pour cette raison, a été sans cesse recommandée aux chrétiens au cours des siècles, pour la prière commune comme pour la prière personnelle.
QUESTIONS
Ai-je bien retenu ?
- Par une grâce exceptionnelle de Dieu, et sans aucun mérite de la part de Marie, Celle-ci est née sans tâche, Immaculée Conception. Il y a pourtant des mérites qui reviennent à la Vierge Elle-même. En effet, tout au long de sa vie terrestre, la Vierge Marie a vécu des dispositions, dans lesquelles le Seigneur se complaît, dispositions que nous sommes invités à méditer et à imiter. Ces dispositions, quelles sont-elles ?
- Le secret des saints, c’est d’aller vers Jésus en passant par Marie car il n’est pas possible de persévérer dans le Christ si la grâce ne se fortifie pas par l’aide de Marie, pleine de grâce. François, qui choisit la Vierge comme protectrice et avocate de sa famille, a compris la place éminente de la Vierge dans le plan salvifique de Dieu. Puis-je rappeler comment François voit Marie dans le plan de Dieu ?
- François dit un jour à Pierre de Catane d’aller dépouiller l’autel de la sainte Vierge pour répondre aux besoins matériels des frères venant à la Portioncule. Quelle(s) raison(s) invoque donc François pour justifier un tel acte ?
Pour approfondir
- La Vierge Marie est vraiment celle qui a porté en elle le Seigneur. L’Arche d’alliance de l’ancien Testament, qui pouvait alors passer pour une alliance définitive entre Dieu et les hommes, préfigurait Marie, l’Arche virginale de la nouvelle alliance, plus précieuse que celle qui contenait la manne et les tables de la loi. Ce chapitre sur la Vierge Marie, Mère de Jésus, a débuté par le magnifique cantique de Tobie (Tb 13 11-14) qui semblait s’adresser à la ville de Jérusalem. Puis-je refaire la lecture de ce cantique en montrant en quoi la prédiction de Tobie, à chaque ligne, concerne bien la Vierge Marie ?
- Notre règle invite les laïcs franciscains à témoigner à Marie d’un amour fervent en imitant sa disponibilité totale. Dans la condition humaine qui m’est propre, comment puis-je imiter la Vierge Marie, l’humble servante du Seigneur, Elle qui s’est toujours montrée disponible à sa parole et à ses appels ?
- Notre règle invite les laïcs franciscains à témoigner à Marie un amour fervent par une prière confiante et attentive. Est-ce que je sais prendre le temps d’être pour le Seigneur par Marie ? Dans la négative, quelle(s) bonne(s) disposition(s) puis-je adopter à compter d’aujourd’hui pour prier, avec confiance et attention, la Bienheureuse Marie toujours Vierge ?